La fin... Enfin...


Chapitre 7 : Reflets

Je me suis réveillé à l'hôpital, hurlant de douleur avec une envie de mourir qui me prenait aux tripes. Je hurlais, hurlais à m'en casser la voix. Je hurlais, hurlais jusqu'à ce qu'un sédatif me renvoie dans le coma. Un coma tendre et doux. Un coma empli par sa présence, comme s'il était dans la pièce avec moi un coma empli de toi, comme si tu étais avec moi à me tenir la main de peur que je disparaisse.

Je passais les premiers temps avec le cœur battant, furieusement, incapable de me rattacher à la vie. J'avais perdu quelque chose en me vidant de mon sang, quelque chose qui me poussait à ne plus rien vouloir. A chercher à me laisser glisser dans le vide. Et je pense que ce quelque chose était l'espoir. Sans espoir, je n'avais plus de raison de vivre, car je n'avais plus de but à atteindre.

Je finis par émerger totalement. Le cœur au bord des lèvres et la colère au ventre. Une colère de vivre. Un médecin m'a fait la morale, vaguement concerné par mon sort. Puis il s'en est allé et vous êtes rentrés. Tous les deux. Les visages pâles et fatigués. Les regards hantés.

Tu t'es assis à mes côtés, posant ton front sur les draps en serrant ma main très fort. Mais je n'avais d'yeux que pour lui. Que pour lui qui restait immobile sur le pas de la porte comme pour nous laisser de l'intimité. Et je ne pouvais m'empêcher de le dévorer des yeux, lui, si beau et si dévasté. Lui, si lointain et si proche. A la limite de mon monde. Mon reflet, mon âme-sœur… Ma destruction.

C'est toi qui as fait le premier geste vers lui, lui tendant la main avec une lueur tendre dans le regard. Il hésita, visage plissé et effrayé alors que tu l'invitais à se placer près de moi. Tu ne savais pas quoi faire d'autre que nous réunir. Tu n'avais pas d'autre choix. A ce moment-là, tu avais déjà lâché prise. Tu m'avais déjà laissé à lui. Tu avais renoncé à tout ce que nous aurions pu construire. Tu avais laissé ton cœur se briser pour que je sois heureux. Parce qu'il n'y avait plus d'espoir et que ça te détruisait lentement. Tu avais lâché prise.

Il s'est approché, mort de trouille, pour venir saisir ma main. Le regard se troublant inconsciemment, se faisant plus calme, plus maître de lui. Comme si me tenir lui apportait la preuve de ma tangibilité. Comme si, par le toucher, il concrétisait mon existence. Comme si j'étais bien là, bien vivant. Juste ça. Et ça le fit craquer. A en pleurer de soulagement.

Vous étiez là, tous les deux. Soulagés. Deux faces d'une même pièce. Deux êtres si différents sans lesquels je n'aurais pas pu vivre. Toi m'ayant sauvé la vie lui m'ayant donné un souffle. Et je ne pus m'empêcher de m'en vouloir pour toute la culpabilité que je vous avais fait ressentir… Subir. Toute l'indécision qui nous avait poussés à cet instant, près de dix ans plus tard. Dix ans à se construire une vie fausse.

Et c'est pour ça que tu m'as dit adieu, les larmes aux yeux et le sourire aux lèvres. A la fois accablé par la tristesse et plus léger de savoir que c'était fini. Tu nous as laissé seuls pour ne jamais revenir. Tu as cessé d'être la fissure entre nous, nous donnant une chance de se réunir à nouveau. Nous laissant une chance de redevenir le reflet de l'autre.

Il y a eu un profond silence après ton départ, uniquement troublé par les bruits de l'hôpital. Puis il a sorti de sa poche un papier mainte fois froissé, une enveloppe qu'il m'a tendue. La lettre qu'il n'avait pas eu le courage de m'envoyer, incapable d'assumer. Son unique réponse qui me bouleversa au plus profond de moi-même.

Mon frère, celui qui avait tenu mon doigt dans le ventre de notre mère, m'avait donné sa réponse. Une réponse courte mais simple. Une réponse qui valait toutes les douleurs que nous avions vécues.

« Je t'aime ».

Au moment où ses lèvres se sont posées sur les miennes, j'ai ressentis ce qu'était le bonheur, pour la première fois. Il m'aimait et c'était tout ce qui m'importait.

Il était redevenu mon reflet.


Et voilà, j'espère que cette courte fiction vous aura plus!

Peut être à bientôt, cher(e)s lecteurs(/lectrices) pour une prochaine fiction ou un nouveau chapitre d'une de mes autres fictions en cours!