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Second tome de la fiction "Le danseur", le Tango des Perrière peut être lu seul. Il vous sera toutefois au début plus difficile de situer certains personnages apparaissant déjà dans le premier volet.

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Chapitre I. Premiers pas

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En soupirant de soulagement, Amaury s'arrête devant l'impressionnante porte massive. Il est content d'arriver. Pourquoi a-t-il refusé que son paternel fasse le trajet Liège-Paris ? Bien sûr, par souci d'indépendance. Impatient de croquer sa nouvelle liberté. Il a néanmoins eu un léger pincement au cœur sur le quai de la gare des Guillemins lorsqu'il a embrassé sa mère. Elle va lui manquer. Le voyage a duré un peu moins de trois heures. Son baladeur MP3 sur les oreilles, elles ont filé au rythme de la musique. À la sortie de la gare, reportant à plus tard son contact, qu'il appréhende, avec les métros parisiens, il a préféré continuer à pied. Trois kilomètres et demi ne pouvaient le tuer. Oui, mais marcher dans la ville alors que le thermomètre affiche trente degrés à l'ombre, chargé comme un baudet, c'est inhumain. Si les premières rues il les a parcourues en ouvrant des yeux de Bécassine émerveillée, les suivantes il a compté les pavés. Machinalement, il frotte son épaule qui le fait souffrir. La bandoulière de ce sac qui pèse une tonne la meurtrissait un peu plus à chaque pas. Heureusement, sa belle-mère a insisté pour acheter une immense valise sur roulettes qui a affronté avec plus de courage que lui les trottoirs de la capitale française. Il est vrai que la moitié des vêtements qu'il avait rassemblés ne rentraient pas dans son bagage habituel. Il n'y a pas de post "achat vêtements" dans son budget restreint. Il voulait tout emporter. De la poche extérieure du sac, il tire un paquet de lingettes humides et essuie son visage plein de transpiration. Il passe une main nerveuse parmi ses cheveux courts afin de les remettre d'aplomb. Son jean slim et son tee shirt lui collent à la peau. Vivement une douche.

Il jette un coup d'œil à l'Interphone. Compagnie Béjart Ballet Paris. École Donn-Bayot. WLB Immo. Écrasé, le bouton de la sonnette ne rend aucun son. Il a pourtant pris rendez-vous par téléphone dans le but de s'assurer qu'à l'heure du déjeuner quelqu'un serait là pour le recevoir.

— Oui ? interroge une voix masculine.

— Amaury Cillet. Je dois prendre possession de la clef de mon studio.

Un déclic. Il pousse le lourd battant qui dévoile une grande cour dont les allées d'irréguliers pavés anciens encadrent un arbre énorme : un vieil Huorn immigré de la Terre du Milieu. Un chêne séculaire, renseigne le site, beaucoup plus terre à terre que son imagination. Des bancs sous sa frondaison profitent de son ombrage une fontaine-abreuvoir dont les masques crachent de fins jets d'eau cristalline qui retombe dans un bassin rond trône au centre d'une pelouse carrée parfaitement entretenue. L'eau doit être fraîche, il aimerait y plonger la tête. Des plantes grimpantes sont palissées le long des vieux murs dont on aperçoit encore ça et là les briques brutes sous le revêtement de feuilles vernissées. En d'antiques auges en pierre de taille, des fleurs apportent des notes colorées. Enfin en arrière plan, l'hôtel des Perrière étale avec orgueil ses bâtiments rénovés. Il se dirige vers le passage latéral à gauche du corps de logis. Il le mène à des jardins et aux bureaux administratifs de la compagnie. L'immobilière est là.

Il s'y est inscrit sur la liste d'attente lors de son admission à l'école Donn Bayot au printemps. Voulait-il partager un logement en collocation ? Il avait hésité. Tergiversé sous le regard patient de son vis-à-vis. Il est sociable et cela soulagerait son budget, mais s'il tombait mal ? Un homophobe ? Un beauf ? Ou un plaquant ? Deux ans à le supporter ! Il en frémissait d'effroi. Il a choisi d'être seul. Un mois plus tard, on le prévenait par mail qu'un petit studio au dernier étage allait se libérer. L'intéressait-il ? Il a accepté.

Des silhouettes viennent à sa rencontre. Il reconnaît Lucas Bayot himself. Le personnage à ses côtés doit avoir la quarantaine bien faite et est inconnu. Il lui adresse un signe de tête en le croisant et s'éloigne, le laissant avec le maître des lieux.

— Amaury ?

— Oui.

Que cet homme est intimidant. Il n'a que vingt-quatre ans et il l'examine le sourire aux lèvres. Nulle crainte à avoir. Ce n'est pas la première fois qu'Amaury le côtoie. Chaque année, il vient à Liège avec la troupe et accueille les étudiants des cours artistiques à ses répétitions. Il a travaillé avec lui à plusieurs reprises. Évidemment, il assistait aux sélections d'entrée. Amaury y est venu accompagné de Pierre, son petit-ami. Celui-ci a été recalé, lui reçu. Deux semaines plus tard, Pierre, vexé, ulcéré, le larguait comme une vieille chaussette. Vraiment, il méritait mieux. N'empêche, il y tenait à cet enfoiré et il en a bavé.

— Viens, je vais te montrer ton antre et, si tu n'es pas trop fatigué, on visitera les lieux, dit-il en ramassant son sac qu'il avait posé le plus rapidement possible au milieu de l'allée. Tu as mis quoi là-dedans ? Il pèse cent kilos !

Il ne sait que répondre. Il lui emboîte simplement le pas après avoir murmuré un merci embarrassé. Ils gravissent un perron en arc de cercle, un double vantail dévoile un hall de marbre blanc. À droite, un parlophone et de nombreuses sonnettes, des boîtes aux lettres, un ascenseur, une porte fermée. Même chose à gauche, si ce n'est que la porte est béante. Face à eux, un escalier monumental se divise pour desservir les deux ailes.

— À droite, le couloir qui mène à la salle de danse du rez de chaussée, la salle de relaxation, le cabinet des physiothérapeutes, aux étages, les studios des élèves. À gauche, les appartements des danseurs, des employés, des professeurs jusqu'au quatrième étage. L'escalier n'est utilisé qu'en cas de panne d'un ascenseur. Les salles sont verrouillées électroniquement. Quatre sont à votre disposition tous les jours de sept heures à vingt-trois heures pendant les vacances. Vingt deux heures en saison. Vous avez les codes de la porte extérieure et de celle de ce bâtiment. Vous êtes priés de ne pas les divulguer. Aussi bien pour votre sécurité que celle des autres. La plupart des studios sont composés d'un vaste living, d'une mezzanine, il y a des appartements de deux chambres destinés à trois à quatre étudiants en collocation. Les logements des solitaires sont appelés "les petits studios", se moque Lucas avec humour, et occupent le dernier étage. Ils sont de plein pied et en partie mansardés. Pas si petits que ça, tu vas voir. Tu as le 5G4. Cinquième étage, à gauche de l'entrée et numéro quatre. Situés en retrait de la façade, ils comportent une terrasse qui donne soit sur le parc et la vieille chapelle, soit sur l'impasse Voltaire.

L'ascenseur les dépose dans un hall clair. Un couloir en face, un à l'opposé. Ils empruntent le premier. Des portes des deux côtés et deux au fond. Lucas s'arrête donc devant celle qui arbore un chiffre 4 stylisé et le fait pénétrer dans un minuscule hall, puis dans une pièce en longueur, pourtant très lumineuse. Elle doit faire environ quatre mètres sur sept. Un canapé et deux petits fauteuils, une table basse, un meuble supportant une télé à écran plat garnissent la première partie. Du côté gauche, dans un renfoncement : une cuisine équipée, ouverte sur la pièce de vie. Un muret surmonté d'un plan en bois blond sert à la fois de séparation, de table et de bar. Deux hauts tabourets le complètent. Un peu plus loin, deux portes closes dont une s'ouvre à coup sûr sur une salle de bain. Une grande étagère de cases carrées sans fond, produit phare d'une enseigne suédoise bon marché – il y en a une identique chez sa copine Maud – sépare le living sans pour autant occulter la lumière. Dans la deuxième moitié, un lit spacieux, une table de nuit, un bureau et sa chaise, une garde-robe. Tout est confortable, moderne et nickel. Les larges fenêtres forment un angle se prolongeant dans la toiture. Le chien-assis a été modifié et permet d'accéder à la terrasse. Il doit se baisser légèrement. Ce n'est qu'un détail. Là sont disposées une table et deux chaises en PVC coloré et sous une bâche transparente ce qui semble être deux transat. En bas, on aperçoit les jardins le bassin et, à perte de vue, les toits de Paris. C'est tellement mieux que ce qu'il attendait. Vu le prix – à Paris, les loyers sont exorbitants, a dit sa mère – et le terme "petit studio", il s'était imaginé une chambre exiguë et miteuse avec une seule fenêtre étroite à meneaux, voire une lucarne, où il faudrait utiliser l'électricité de jour comme de nuit. Sans parler des escaliers interminables pour grimper dans les combles. C'était digne des misérables de Victor Hugo. Là, ce sont les contes des mille et une nuits.

— Tu as une salle de bain ici, pas immense, mais avec une douche à l'italienne très design. Et là, continue Lucas en poussant la porte suivante, un vaste débarras avec un lave-linge qui sèche, des étagères. Tu peux y ranger ta valise, ton sac, des provisions non périssables et aussi l'aspirateur, brosse et seau... Les toilettes sont à droite du petit hall d'entrée. Tous les appartements sont pourvus d'une connexion wi-fi. Le divan est transformable en lit. Pratique si tu invites quelqu'un de ta famille ou des amis. Cela te plaît ?

— Oui.

— Pas bavard, hein, se raille son directeur. J'espère que tu te sentiras bien ici.

— Le studio est superbe. Ce n'est pas le plus important, ose-t-il enfin déclarer. Avoir été admis à l'école est inespéré. Il n'y a pas de perspectives d'avenir pour un danseur en Belgique.

— Je sais, abonde-t-il. Tu désires visiter ?

— Je ne voudrais pas vous déranger.

— Viens, dit Lucas en souriant.

Une demi-heure plus tard, il a tout vu et déjà oublié la moitié. Il pénètre en compagnie de Lucas dans la cafétéria où il a pris un coca le jour de l'audition. Le même homme au type latin est derrière le comptoir. Il y a une file devant celui de gauche. Les frigos vitrés sont remplis de salades appétissantes et de desserts. Il réalise qu'il meurt de faim.

— Lucas !

Un jeune homme aux cheveux acajou saute au cou de Lucas Bayot avec familiarité. En retrait un second, le regarde avec indulgence, avant d'embrasser le grand boss. Il reconnaît le premier : Sean Hodgkin, l'un des solistes phare de la troupe.

— Rentrés de vacances ! Vous vous êtes amusés ?

— Quinze jours de rêve ! s'exclame celui-ci en échangeant un coup d'œil moqueur avec son copain. Tu as besoin de nous ? Avec Sacha absent, tu dois avoir énormément à faire.

— Les nouveaux débarquent peu à peu. Quatre aujourd'hui. Heureusement, Gaby a piloté les trois du matin. Voilà Amaury qui pose à peine ses bagages. En face de toi, tu as Sean et Alexeï. Tu veux manger ?

Il est plus de quatorze heures, ils servent encore ? Il faut croire que oui. Il choisit un potage crémeux orangé, un pavé de saumon avec une sauce jaune, du riz et une montagne de légumes verts. On verra ensuite. Il emboîte le pas à Lucas qui se dirige vers une table devant les fenêtres.

— Il te manque, constate Alexeï. Il revient quand ?

— Demain, soupire Lucas.

— Il va bien ?

— Oui, il a jugé ça très intéressant. Il n'a pas tout aimé, loin de là. Mais intéressant oui. La façon américaine de concevoir la danse est différente et apprendre la méthode Balanchine élargira sa manière de la ressentir. Ce stage au New York City Ballet était une chance à ne pas louper.

— Tu vas le chercher à l'aéroport ? reprend Alexeï qui a de la suite dans les idées bien que Bayot paraisse réticent.

— Oui, en début d'après-midi, répond le chorégraphe.

Son estomac n'est pas satisfait, il s'accorde une mousse au chocolat. Au diable l'avarice. Et les régimes. Il essaye de deviner le rôle qu'occupe chaque personne attablée au sein de la compagnie. Cela est vite résolu. Il a étudié les sites, il suit, comme beaucoup de ses condisciples, quelques blogs consacrés au Béjart Ballet Paris. La plupart des figures lui sont donc connues. John Fellert notamment et son compagnon Karol Lipisky, Keisuke Nasuno et Lisbeth Niedermann qui bavardent et rient à une table voisine. Il les a vus au travail et sur scène à l'opéra de Liège. Plus loin, des jeunes inconnus. Des élèves peut-être. Ils semblent à l'aise. Des seconde année certainement. Naïma Kalemba discute avec Maxime Boulanger et une femme blonde. La trentaine. Ses gestes dénoncent son état de ballerine. Enfin deux quadragénaires minaudent dans un coin et se chuchotent des confidences ou des médisances.

— Amaury, as-tu des questions ?

Lucas fixe l'adolescent qui s'est fait discret. Il l'a remarqué l'année dernière lorsqu'ils se sont produits à Liège. Reçus comme d'habitude avec chaleur, ils ont invités une fois de plus les étudiants de l'athénée local aux répétitions. Parmi eux Amaury et son petit-ami Pierre. Le premier exceptionnel, le second bon. Il lui avait conseillé de participer aux tests d'admission. Ils s'étaient inscrits tous les deux. Lorsqu'il les avait vus ensemble, il avait senti poindre les ennuis. L'un serait refusé et n'admettrait pas que son petit-copain lui soit accepté. Sans parler de la distance pendant deux ans au moins. Lucas n'avait pas le choix, d'autres étaient meilleurs que Pierre. Il y a aux prunelles d'Amaury qui dévisagent, observent, une curiosité, une soif de vivre immense. Il apprécie ça. Sa seule interrogation aussi.

— Quand allons nous danser ?

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Flâner sur les berges de la Seine tentait Amaury. La canicule, elle, l'en dissuadait. Il est remonté dans son perchoir sous les toits. Il n'avait pas pensé à fermer les stores et le soleil brûlait son lit de ses trop ardents rayons. Après avoir ouvert les fenêtres, il s'est rabattu sur le divan. Il a rassuré sa mère puis son père, sa belle-mère et ses demi-frères via internet. Il s'était levé à cinq heures du matin, il s'est endormi.

Une légère brise accueille son réveil. La fin du jour est tiède. Une douche, un jean et un tee-shirt propres. « Paris, à nous deux ! ».

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Gabriel est éreinté. Il a fait tellement chaud. Après la leçon de Patrick Dupond qui a recommencé en début de semaine, il a joué les guides. Des nouveaux sont arrivés aujourd'hui et il les a menés à leurs studios, les a pilotés dans les bâtiments, leur a fait découvrir la salle de spectacles Jorge Donn. Ils ne seront que de passage. Ils y resteront deux ans voire trois si leurs progrès sont insuffisants. L'hôtel des Perrière, c'est chez lui. Il en sait le moindre recoin. Assis sur un banc dans le parc, il profite de la fraîcheur toute relative de la fin de soirée. On entend une musique ténue. Des danseurs répètent ou créent. Il y en a toujours. Il aime ça. Il vit dans la danse. Par la danse.

Le gravier crisse sous des pas nerveux. Une mince silhouette se découpe dans la lumière, se précise. Il reconnaît le jeune Belge venu en début d'après-midi alors qu'il déjeunait avec Clara. Il l'a croisé à la cafétéria en compagnie de Lucas, Sean et Alexeï, il avait l'air mal à l'aise. Un beau corps harmonieux, un visage délicat aux traits fins mis en exergue par des cheveux châtains coupés courts, de grands yeux noisette, une bouche modelée pour le rire mais qui souriait à peine. C'est ce qui l'a frappé en lui.

— Bonsoir ! lance-t-il.

Le garçon ralentit, s'arrête, hésite puis se dirige vers lui.

— Bonsoir.

— Gabriel, se présente-t-il maladroitement.

— Amaury. La musique ?

— Nathan et Mehdi, je suppose. Deux stagiaires. Nathan crée et son compagnon danse. Très bien. Même plus que ça, rectifie-t-il. Ils sont exceptionnels. Sur les programmes et le site, Nathan est repris comme chorégraphe du pas de deux infiniment sensuel qu'il avait créé pour Mehdi et lui sur la musique de Scorpions... Le passage qui débute par "Send me an Angel", et se poursuit avec "I'm still loving you". Ils l'avaient montré à Lucas lors de leur arrivée à l'école. Il avait dit que ça l'intéressait, il l'a prouvé ensuite. Ils l'ont retravaillé pour arriver à ce qu'ils présentent aujourd'hui dans Pop Symphony. Lucas s'attache les meilleurs. Eux viennent encore de Rudra et sont stagiaires depuis un an. Il en a gardé neuf des 2013/2014 : Firouze, Emily, Asmaa, Camélia, Mehdi, Nathan, Léonard, Étienne et Kevin. Ils seront titularisés la saison prochaine. De la dernière, il y en a quatre : Ài Liên, Elzbieta, Amitiyoti, Yannick.

— Pourquoi cette différence ?

— Lorsque l'école Donn-Bayot a accepté ses trente premiers élèves plusieurs solistes sont devenus professeurs. La tournée avait été chargée et forcément éprouvante, certains ont préféré ne pas renouveler l'expérience. Il a fallu les remplacer. Il y a des changements continuellement.

— Tu es le danseur sur le site de l'école, non ?

— Oui.

Gabriel est plus gêné de sa réflexion que flatté.

— Et tu répugnes à parler de toi, termine le Belge.

— C'est vrai. Il n'y a rien à dire de toute manière, commente Gabriel en haussant les épaules. J'ai dix-huit ans, j'ai obtenu mon bac en section danse.

— Comme moi ! l'interrompt brièvement l'autre.

— Je suis ici chez moi, dit Gabriel, non sans fierté, en dessinant d'un large geste les jardins, les corps de logis.

— Chez toi ?

— Mon frère aîné est le chef de cuisine du resto. Nous vivons ici depuis la naissance du Béjart Ballet Paris et...

— Gaby ! s'écrie une voix enfantine. Pattenrond n'est pas là. Je ne le trouve pas.

Une fillette aux abondantes boucles cuivrées, vêtue d'un pyjama rose clair et fuchsia, se plante devant eux. Amaury a lu Harry Potter – il y a longtemps – et présume que Pattenrond est un matou.

— Ma petite sœur, explique Gabriel avant de répondre. Il n'a pas disparu. À son habitude, il doit guetter les paonneaux.

— Non. J'ai été voir. Ils dorment dans leur maisonnette. Je n'irai pas au lit tant qu'il n'est pas là ! trépigne la gamine. Chris a dit que tu devais m'aider. Il n'a pas le temps ; il repasse le linge.

— Tu ne vas pas encore me faire ce coup là ! râle Gabriel. Il va revenir. Il rentre toujours.

— Clara ? Tu cherches ton chat ? intervient une brunette qui passe par là avec deux autres. Il est installé sur les genoux d'une élève dans la salle Boléro.

— Merci Emily, soupire Gabriel alors que la gosse est déjà partie en courant récupérer son bien sans songer à remercier son informatrice.

— Nous sommes à la salle Jorge Donn. Tu arrives ? demande-t-elle.

— Tu viens avec moi ? Elles répètent le prochain ballet.

— Je te suis.

— Au départ les salles portaient des numéros, raconte Gaby tout en marchant. Très vite, les étudiants les ont baptisées d'après le tableau qui en occupe un mur. Bientôt, tous s'y sont mis, même les profs. Il y a la salle Boléro, la salle Jorge Donn, la salle Ménier, la salle de la compagnie, la salle Mozart-Tango, dite Mozart tout court, la salle Versailles, tu comprendras lorsque tu la verras. La dernière en date est simplement "la nouvelle", pour le moment, il n'y a rien au mur. Par contre, aménagée dans l'ancien salon de réception au rez-de-chaussée de l'école, elle est somptueuse. Le plafond, peint de paysages champêtres entre les moulures et les rosaces, est de toute beauté.

Un portrait en pied de Jorge Donn, plus grand que nature, surveille, en effet, la dizaine de danseuses qui se sont rassemblées. Il est près de minuit, la salle est ouverte. Amaury en fait la remarque.

— Abdel, le concierge, est en vacances. C'est Lucas qui ferme les portes quand il revient du Motus avec son mari. Il est parfois très tard. Ou très tôt le matin. On en profite. Du moment qu'on respecte le matériel, il ne dit rien.

Assis sur le banc, il les regarde qui, inlassablement, travaillent la coordination. La musique qui s'emporte crescendo évoque des tempêtes, des naufrages.

— Le ballet "La longue errance" est inspiré de l'Odyssée d'Homère, précise son voisin comme s'il devinait ses pensées. En début de saison, ils interpréteront "Pop-Symphony" qui fait un malheur. Fleur de R'âge, La quête ont été beaucoup appréciés du public. Pop-Symphony a été encensé par les professionnels de la danse.

— Je sais, je l'ai vu à Liège. Qui fait Ulysse ?

— Sacha Ménier.

— Quelle question inutile, se moque le Belge.

— Sacha est brillant, répond Gabriel d'un ton un peu plus sec qu'il ne l'aurait voulu.

— Je te l'accorde, rétorque l'autre avec un sourire. Le ballet de la neuvième ? Je l'ai vu au stade Roi Baudouin à Bruxelles il y a plus d'un an. C'était extraordinaire. Il y avait un monde dingue qui hurlait. On se serait cru à un concert d'une idole pop.

— C'est l'un des premiers ballets de Béjart "Les quatre fils Aymon" qui sera monté pour les galas de prestige. C'est un gros challenge pour Lucas. Pour la neuvième, il avait Patrick et Manuel à ses côtés qui l'avaient dansé sous les ordres de Béjart. Les quatre fils Aymon n'a plus été mis en scène depuis près de cinquante ans. Il est basé sur une légende médiévale et traite du thème de la révolte des jeunes contre la société. Et l'empereur Charlemagne. Les musiques datent des XVe et XVIe siècles auxquelles s'ajoutent des percussions, des rôles déclamés. J'ai vu des extraits que préparaient Lucas et Sacha. C'est superbe. Mais également très spécial. Il sera joué pendant deux ans telle la neuvième. Les élèves de première année, donc nous, le danseront au festival de Baalbeck au Liban le 28 juillet. Nous serons ainsi prêts à prendre la relève des seconde qui s'en iront. Les ballets de Béjart présentés en même temps que "La longue errance" seront "Roméo et Juliette" et "Les illuminations". Et "Boléro".

— Nous y participerons ?

— À la salle Jorge Donn, en remplacement de certains fatigués ou en méforme. Ailleurs non. Nous aurons pas mal de boulot avec le ballet qu'a concocté Lucas. Nous revisiterons les jeux vidéos. De Tomb Raider à Nomad Soul en passant par World of Warcraft ou Final Fantasy. Douze tableaux différents.

— Hmm ! Incarner Sephiroth ! Cela me plairait. Nomad Soul ?

— Un ancien jeu développé par le studio français Quantic Dream. Il demeure un classique incontournable. La musique est chantée par David Bowie qui prête ses traits au leader du groupe The Dreamers qui joue dans le bar où se déroule plusieurs étapes du jeu. (1)

— Jamais entendu parler.

— Il date de 1999. On venait de naître, raille Gabriel. La saison sera chargée. Théâtre Beaulieu à Lausanne en fin décembre, puis ici en février, au printemps en Belgique, aux Pays-Bas, ici encore, en été à Châteauvallon, au festival d'Avignon dans la cour du Palais des Papes, à Nice au Théâtre de Verdure. Nous finirons par Baalbeck en plus des Quatre fils Aymon.

— Bayot s'investit dans l'école ?

— Il est le chorégraphe maison. Et le nom de l'école n'est pas là dans le but d'impressionner. Présent à Paris, il assiste souvent aux répétitions, il les dirige parfois, lorsqu'il le peut il accompagne les élèves en déplacement. Patrick Dupond se partage entre l'école et la compagnie. Dès avril, nous commencerons à travailler sur Roméo et Juliette que nous interpréterons en deuxième année.

— Sacha Ménier est Roméo, je suppose.

— Non, il interprète Mercutio. C'est John Fellert qui est Roméo et Lise est Juliette. Une Juliette un peu plus foncée que ne l'avait imaginée Shakespeare, plaisante-t-il avec une tendresse que remarque son interlocuteur. C'est une jolie métisse. Très gentille. Keisuke Nasuno est Pâris et Sean Hogdkin est Tybalt.

— Tu connais tout le monde, constate Amaury.

— Je danse avec eux depuis que j'ai seize ans. Je répète avec eux, je sors en boîtes avec eux, je vais en vacances avec eux, se moque-t-il avec un léger rire. Je suis allé faire les vendanges vertes avec Lucas, Rémi et Sacha chez eux. Nous y sommes restés douze jours. Douze jours de liberté à vivre au grand air, à rouler en moto à travers les vignes derrière Rémi ou Sacha.

— Chez eux ?

— Rémi et Lucas ont une maison à Vosne-Romanée et deux vignobles. J'espère y retourner trois ou quatre jours pour les vraies vendanges fin du mois de septembre. Je travaille au Motus, leur bar lounge, pendant les mois d'été, j'ai ainsi de l'argent de poche pour l'année. Hier était mon dernier jour. Lucas m'a donné congé pour que je ne sois pas fatigué à la rentrée. Rien ne m'empêchera d'aller là-bas demain. Je m'ennuie sans eux, avoue-t-il. La table 7 est toujours occupée par des danseurs d'ici ou de l'opéra. Parfois de compagnies de passage. On discute, on rit jusqu'à plus d'heure. Certains mangent tôt, d'autres, tels Sacha, Sean, Alexeï, Matte attendent Lucas et Rémi afin de dîner avec eux. Le samedi, nous allons en discothèque après la fermeture. Je t'y emmène, si tu veux. Deux autres élèves viendront aussi.

— Pourquoi pas. Je n'ai pas vu Ménier ? En vacances ? interroge-t-il pour compléter ce qu'il a deviné lors du déjeuner.

— Aux États-Unis. Il suit un stage au New York City Ballet. Il étudie le style George Balanchine. Il était réticent. C'est Benjamin Millepied qui l'a poussé à accepter. Il a repris l'avion aujourd'hui en soirée. Le nouveau prof de danse, Stéphane Grandjean, vient de là-bas. Il remplace Brigitte Lefèvre qui, à soixante-douze ans, a manifesté le désir de se reposer. Elle sera la bienvenue en tant que professeur invité autant qu'elle le voudra, a dit Lucas. Il l'aime beaucoup. Elle l'a soutenu contre vents et marées.

Peu à peu, les gradins de pierre sont désertés. Le surprenant, la voix de Lucas résonne, les prévenant que les portes seront verrouillées dix minutes plus tard. Les filles ramassent leurs bricoles et se dirigent vers la sortie en papotant. Ils les suivent. La nuit est tiède. Les jardins du Béjart Ballet Paris sont paisibles. Quelques mots encore et ils se séparent dans le hall de marbre blanc. De rares appartements sont illuminés. Tout est tranquille.

Il est deux heures, bonnes gens ! Dormez, le guet veille ! énonce Amaury à voix haute. Il se traite ensuite d'idiot. À voix basse.

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L'un des logis éclairés est le seul situé dans le bâtiment de l'école. Trois niveaux créés sur deux étages. Le premier se compose d'une très vaste pièce de vie, d'une grande cuisine ultra moderne ouverte, d'un bureau, d'une buanderie. De hautes doubles portes fenêtres à meneaux s'ouvrent sur des balcons qui dominent le parc. Un escalier de verre et d'acier aéré, sans contre-marche, conduit au second niveau qui comporte une chambre spacieuse surplombant le living, fermée éventuellement par des panneaux à glissières en verre dépoli préservant l'intimité du couple, une salle de bain avec une douche et une baignoire à remous. Une passerelle translucide s'appuie sur des piliers ronds et traverse le living, une nouvelle volée de marches semblables mène au deuxième étage qui n'est pas meublé. Il comprend deux belles chambres mansardées et une salle de jeu lumineuses grâce à des fenêtres de toit et des baies vitrées intérieures et enfin une salle de bain. Ce décor épuré, aéré a été calculé pour capturer au maximum la lumière extérieure. Amin sait les goûts et les besoins de son Lucas comme sa poche. Quant à la cuisine elle a été conçue de manière à satisfaire la passion d'un chef. Tout a été imaginé afin que tous les deux s'y sentent bien. Et c'est le cas.

Pressé de se délasser, Lucas rejoint son homme sous l'eau chaude de la douche.

— Fatigué, mon amour ? interroge ce dernier en l'attirant à lui.

— Une interminable journée, admet-il. Heureusement, Séba est rentré au Motus et Gaby a reçu une partie des arrivants.

— Être indispensable, il adore ça.

— Je suis au courant, se moque Lucas avec indulgence.

— Je t'ai peu vu aujourd'hui. Viens-là, mon tout-beau, viens, chuchote-t-il en l'enlaçant par derrière.

Un bras autour de sa taille, il mordille sa nuque, le creux en dessous du lobe des oreilles.

— Hmm ! continue, chéri, murmure Lucas en se serrant sur lui.

En massant ses épaules, Rémi a ce léger rire rauque qui trahit son désir et qui bouleverse Lucas autant qu'au premier jour. La bouche a pris le relais des mains, il gémit de plaisir. Comme souvent, ils vont veiller encore un long moment.

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— Ce n'est pas vrai. Quel empoté, grommelle son Lucas. Il va à droite ou à gauche ?

— Calme-toi. On sera à l'heure. Même en avance. Il t'a manqué, hein ?

— Tu le sais, affirme-t-il. À toi aussi. Ne prétends pas le contraire.

— Pas autant qu'à toi. On ne peut nier qu'une personne qui est en votre vie omniprésente laisse un vide lorsqu'il en est absent du jour au lendemain. N'aie pas cet air victorieux.

— Je n'ai rien dit, mon ange.

— Tu crois que je ne t'ai pas vu plisser les yeux de jubilation. Quand il est là, il m'agace. Je ne peux pas ignorer ses sentiments envers toi, mon cœur. Il les étale au vu de tous.

— Je te l'accorde.

— J'aurais dû être soulagé de le voir s'éloigner. Ce n'est pas le cas. Une certaine confiance s'est installée au fil du temps. Peu à peu, je l'ai apprécié. Je le connais par cœur. La première chose qu'il va faire à son retour est observer les têtes méconnues de notre entourage : professeurs, élèves, danseurs et vérifier si l'un ou l'autre n'a pas une attitude louche envers toi, une trop grande intimité.

— C'est humain, non ?

— A condition qu'il s'agisse du compagnon ou de l'époux.

— On craint de perdre ses amis. Je sais, admet Lucas en voyant le sourire goguenard de son Rémi. Depuis qu'il est seul, la tendresse, c'est auprès de nous qu'il la cherche.

Rémi se contente de soupirer. Auprès de toi surtout, voudrait-il répondre. Secoué par l'annonce de leur mariage prévu l'été dernier, Sacha s'était enfin engagé envers Matte. Ce n'était pas la bonne motivation mais celui-ci en avait été tellement heureux. Lucas et lui fêtaient leur union au Motus, lorsque, après six mois de vie commune apparemment sans histoires avec le Milanais en un appartement de la résidence Sainte Catherine, Sacha l'avait surpris entre les bras de Joaquin, leur ancien colocataire. L'explication orageuse qui avait suivi lui avait appris que cette liaison durait depuis déjà deux mois. Nul n'avait compris. Si une partie des reproches de Matte étaient justifiés, ses manières étaient sans l'ombre d'un doute très discutables. La souffrance, le dépit sont mauvais conseillers.

Sa défection avait profondément blessé Sacha qui, aliénant sa liberté, avait offert la stabilité que son petit-ami réclamait à cor et à cri. Oubliant que Matte voulait plus que tout son amour et que, ça, il ne l'avait pas. Sacha n'avait pas pardonné. Ils s'étaient quittés. C'était il y a un an et huit jours. Faute d'attachement sérieux, l'aventure entre Matte et Joaquin n'avait pas duré. Sacha était resté avec son amertume et Matte avec ses regrets. Un beau gâchis. Une période difficile qui avait assombri leur propre bonheur.

Désabusé, le blond a continué sa vie, plus proche de Lucas que jamais, l'épaulant sans faille, le portant si nécessaire. Immuable pilier. Ayant autant d'autorité sur les danseurs, sur les élèves que son époux. Étant pareillement estimé. Plus peut-être. En bon directeur artistique, il a fait abstraction de sa rancœur personnelle face à Matte et Joaquin, essayant de séparer vie privée et vie professionnelle et, s'il n'y est pas toujours parvenu, il doit reconnaître qu'il a fait son possible. Il s'est ensuite satisfait de flirts lors de sorties et plus si affinités. Juste de quoi calmer sa libido.

À la fin de la dernière saison, ils sont allés à Vosne-Romanée. Il aurait préféré partir en tête à tête avec Lucas et y a renoncé. Sacha est présent dans les vignes à leurs côtés depuis trois ans et il avait besoin d'eux. Gabriel et Clara n'avaient pas de perspectives de vacances, ils les ont emmenés. Est-ce vivre dans leur intimité pendant les vendanges vertes ou l'envie de fuir l'anniversaire de ce jour de noces doublement pénibles qui ont finalement poussé Sacha à New-York ? Ou simplement la tension accumulée depuis un an ? Lucas l'a laissé libre de son choix. À aucun moment, il n'est intervenu dans sa décision. Pourtant il n'a pas fallu une semaine à tous les deux pour être en manque de l'autre. Les contacts par le net ont été quotidiens. La rentrée du Béjart Ballet Paris sans Sacha ? Impensable. Ils l'ont préparée de concert à des milliers de kilomètres de distance.

— Tu vois, là, à droite, le parking 1, c'est celui du terminal 1.

— Je sais, ma puce, se moque-t-il. Nous sommes plus d'une demi heure en avance. Il a encore les douanes à passer, les bagages à récupérer. Si le vol a un peu de retard, nous allons poireauter longtemps.

— Nous irons prendre un café en attendant. Tu me feras la cour comme à nos débuts. Les yeux dans les yeux, le taquine son chéri.

— Alors dépêchons nous ! s'exclame Rémi avec un clin d'œil complice.

Son Lucas éclate de rire, caresse son genou.

— Tu sais que je t'aime ? demande-t-il.

— Moi aussi, mon cœur.

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Au niveau des arrivées, ils patientent au bar le "Grand comptoir". La Norwegian Air Shuttle est une des meilleures compagnies low-cost. Prix attractifs, avions sûrs, services complets et rarement en retard. Même si les plateaux repas, les boissons sont payantes, ils la choisissent souvent pour les lointains déplacements des tournées. La connexion internet tout au long des vols permet de travailler, de planifier le séjour, de demeurer en liaison avec Paris, avec les réseaux sociaux. Ou avec les amis. Ainsi, ils savent par un message de Sacha reçu à l'instant que l'avion amorce son atterrissage.

— Le vol en provenance de New-York est annoncé piste 4, confirme quelques minutes plus tard la voix de la standardiste.

— Nous aurons le temps de manger avant le service, remarque Lucas.

— Je te disais que ce nouveau jean te va très bien, répète Rémi avec un brin d'exaspération.

— Tu peux faire mieux que ça, raille son époux avec un sourire complice.

— Que dire à l'homme de sa vie sans paraître niais ? Tu sais tout. Jour après jour, heure après heure, tu sais tout. Tu es ma force et surtout mes faiblesses, murmure Rémi.

Le regard de Lucas se charge d'un amour qui inonde son cœur.

— Tout comme moi, mon ange. Depuis presque quatre ans, tu es ma vie. Tu la rends belle.

Ils ont uni leurs mains malgré le monde autour d'eux.

— Tu avais raison, souffle leur voisine de droite. Ils sont gay et ensemble.

— C'était évident. Ils se tiennent la main. Ils ont des alliances. Ils sont sûrement mariés, commente une pimbêche en Prada.

— C'est répugnant, se récrie, beaucoup moins discrètement, le mec qui les accompagne.

Lucas adresse une grimace à Rémi qui répond d'une mimique agacée. Ils en ont vu et entendu d'autres.

— Déjà, une chose de sûre, ils ne pourront pas apprendre cette déviance à des enfants, continue la pimbêche. Pour les faire, il faut pouvoir baiser une femme.

Rémi presse doucement les doigts de sa moitié qu'il n'a pas lâchés.

— Et toi, merdeuse, tu vas leur enseigner ton intolérance ? s'indigne une voix bien connue. Je les plains, tes mômes. Quant à toi l'homophobe, arrête d'envier leur bonheur, ça te portera à plus de lucidité.

— Sashka ! lui reproche tendrement Lucas. Abandonne, va. Cela n'en vaut pas la peine.

Manifestement, il n'est pas désireux de polémiquer et préfère embrasser son Lucas.

— Mon danseur. Tu m'as tellement manqué, déclare le blond en l'enlaçant.

La tête sur l'épaule de son mari, l'étreignant avec force, Sacha reste immobile un moment.

— Et toi tout autant, assure Lucas.

— Rémi. Content de te revoir.

Il passe des bras de Lucas dans les siens. Il le serre brièvement.

— Ton absence a créé un sacré vide, admet-il ce qui provoque le sourire du soliste.

— Merci.

Tout est dit. L'observation des homophobes ne les incite pas à de plus amples épanchements.

— C'est une impression ou tes bagages se sont multipliés ? questionne Lucas en contemplant le chariot qui supporte plusieurs valises et deux gros sacs pansus.

— Je vous ai rapporté des vêtements, des baskets, des babioles. J'ai pensé à Gaby et à la petite également.

— Je suis impatient de voir ça ! s'exclame Lucas. On rentre ? J'ai faim.

— Voilà qui est étonnant, le taquine Sacha. Je serai heureux de retrouver ta cuisine, avoue-t-il.

Rémi surprend le coup d'œil que le danseur, derrière le dos de Lucas, décoche aux deux filles et au garçon qui ne les ont pas quittés des yeux. Il les scanne de haut en bas de son regard le plus noir et le plus méprisant. Il fait ça à la perfection. Intérieurement, il rit du mal aise évident des jeunes gens qui ont encore en mémoire l'apostrophe que leur a lancée leur ami et qui a fait se tourner bien des têtes.

Dès leur retour au Motus, Rémi laisse les deux amis afin d'aller mettre la dernière main à leur déjeuner tardif. Il est seize heures. Ils auront juste le temps de manger avant que débutent les préparatifs du service du soir.

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Assis en face de Lucas, Sacha le dévore des yeux.

— Raconte, murmure le premier.

— J'ai appris maintes choses. Certaines que j'ai beaucoup aimées, d'autres que je rejette. Je trouve que la méthode Balanchine exige énormément des muscles des danseurs et bien moins des sentiments. Il disait « Les fleurs ne se servent pas de mots, elles n'en ont pas besoin pour être belles. Nous existons (les danseurs) nous aussi et nous espérons être beaux sans aucun mot... Il n'y a aucune signification cachée dans mes ballets ... Je n'ai pas besoin de danseurs sentimentaux ». Les mouvements fondamentaux chez Balanchine sont en totale contradiction avec la pureté des gestes qu'enseigne Patrick Dupond. Ceux-ci sont moins naturels, assurément, pourtant nous primons que le classique est la base de tout. Qu'il faut en maîtriser l'essence et ensuite la restituer en la danse moderne ainsi que nous le voyons. Tu ne le fais pas toujours. En trois ans, tu as pris de l'assurance. On peut dire qu'il y a des attitudes Bayot, comme il y a des attitudes typiquement Béjartiennes qui ne doivent rien à quelque école que ce soit. C'est l'apanage des grands chorégraphes. Chut ! dit Sacha en voyant que Lucas va protester. La rapidité des pas est inimitable, la montée sur pointe, ainsi que la réception souple des sauts. Je continuerai à travailler ici.

— Tu as l'air soucieux ?

— Je me demande comment vont cohabiter Stéphane Grandjean, professeur formé à l'école Balanchine et Patrick Dupond et sa méthode classique française.

— Ils aiment la danse tous les deux, non ? Cela devrait se dérouler sans heurts.

— J'espère qu'on n'a pas fait une boulette, danseur, soupire Sacha. La méthode Balanchine est dévorante et convient à des danseurs aguerris. Souhaitons que Stéphane Grandjean en soit conscient et que les étudiants n'en pâtissent pas. Et toi ?

— Tout le monde est rentré. Patrick a recommencé ses classes. Des élèves sont arrivés. Ils s'installent.

— Danseur ! Ce n'est pas ce que je veux savoir.

— Tu es là, je vais bien. Et toi, New-York ?

Sacha sourit.

— Épuisant. Le soir, je m'écroulais sur mon lit en priant Dieu de penser à mes muscles douloureux, ricane Sacha. Je suis sorti deux ou trois fois en club gay avec des danseurs, je te l'ai narré déjà, c'est tout. Seul, je suis retourné au pub qui nous avait plu sur le pier 59 à Manhattan. Tu me manquais tant. Pourquoi m'as-tu laissé partir ?

— Parce que tu en avais besoin, Sashka. Si je t'avais retenu, tu me l'aurais reproché. Crois-moi, ce n'est pas de gaîté de cœur que je t'ai vu grimper dans cet avion de malheur.

— Après je me suis repassé maintes fois les dernières heures que nous avons vécues ensemble à l'aéroport. C'est vrai que tu ne sautais pas de joie.

— Tu es là, c'est le principal.

Ils échangent un regard complice. Un mois de séparation ne pouvait les changer.

— Le 15 août ? Tu as tenu le coup ? Deux années de suite tu as été malade, épuisé. J'aurais dû être là. Je m'en suis voulu. J'ai eu l'impression de déserter.

— Tu y étais. Tu m'as écrit au moins vingt textos sur la journée.

— Trop ?

— Jamais.

— Parle-moi des gamins, lance Sacha un peu brusquement dans le but de rompre le silence qui s'éternise.

— Je ne les ai pas vu danser. Le jeune Belge que nous avions remarqué à Liège, Amaury, a débarqué hier. Tout seul comme un grand. Question bagages, il rendrait des points à Rémi.

— Qu'est-ce que j'ai encore fait ? interroge celui-ci en déposant devant chacun l'entrée. Emilio ? Mets une bouteille de Roche-Blanche, ici. Nous fêtons le retour du danseur prodigue.

— Rien, chéri. Amaury, le garçon que j'ai accueilli hier traînait une valise quasi aussi volumineuse que lui et portait un sac qui pesait son quintal. Comme lorsque tu fais nos malles pour un déplacement d'une petite semaine, se moque Lucas avec tendresse.

— Nos bagages prennent moins de place dans la voiture que tes réserves de nourriture, raille Rémi en levant les yeux au ciel, ce qui fait rire Sacha.

— C'est parce que tu cuisines à la perfection, ça. On ne s'en lasse pas, dit Lucas entre deux bouchées.

— Cela m'a réellement fait défaut là-bas, confirme Sacha. J'ai pris l'habitude de bien manger. J'aurais donné cher pour déguster une de tes religieuses à la mangue ou un soufflé glacé aux fruits de la passion.

— Ce n'est pas très flatteur pour les chefs américains dont les gâteaux sont renommés, plaisante Rémi.

La grimace du soliste est éloquente et fait s'esclaffer Rémi.

— Patron ?

Devant Lucas se dresse François, le sommelier en chef, l'air ennuyé.

— Encore ? grogne Lucas.

— Tous les jours. Ceux où je suis là, en tout cas. Dès son arrivée, il s'éclipse dans les toilettes du personnel avec une serviette de bain, s'enferme à double tour pendant au moins un quart d'heure, avant de ressortir et prendre dans l'armoire sa chemise et son tablier propres. Fabrizio et moi, nous poireautons telles des andouilles. J'ai attendu un moment où nous avions peu d'affluence afin de venir vous en informer.

— Je vais m'en occuper. Outre ce problème, il est apprécié des clients.

— Il n'y a rien à redire à son travail, c'est exact. Il est compétent et aimable. Il a un bon feeling avec la pratique.

— Bien. Envoie-le moi. Il me faut discuter avec lui, termine Lucas en soupirant.

— Chéri...

— Je sais, il y a une raison, c'est certain.

— J'ai mon idée là-dessus, poursuit Rémi en posant une main sur son poignet pour le calmer. Il n'est chez nous que depuis trois semaines et n'a pas touché son premier salaire. Il n'a pu régler sa situation.

— Sa situation ?

— Tu te rappelles, j'ai hésité à l'engager à cause de sa tenue qui ne me paraissait pas nette. Pourtant, malgré ses vêtements froissés, on voyait qu'il avait fait des efforts. Les références citées sur son CV, sa façon de se présenter verbalement, son maintien, son élocution soignée plaidaient en sa faveur et malgré un trou d'un an dans son parcours récent, j'ai décidé de le prendre à l'essai. Je l'ai observé depuis. Il traîne perpétuellement derrière lui le même gros sac déglingué qui paraît très rempli et il le cache comme il peut au vestiaire. On dirait qu'il en a honte. Je pense qu'il vit dans la rue et que c'est l'entièreté de son avoir qu'il trimballe partout.

Les yeux de Lucas s'arrondissent, puis il toise sa moitié, avec toute l'indignation du monde peinte sur sa figure.

— C'est seulement maintenant que tu le dis ?

— François ne s'est plaint que samedi et dimanche dernier. J'y ai prêté attention ensuite. Fabrizio n'a rien dit avant hier en fin de soirée. Je ne l'ai pas compris avant.

— Misère. Bon, on va remédier à ça.

— Je me doutais de ce que tu allais dire, raille Sacha qui les a écoutés sans intervenir.

— Tais-toi, Sashka ! Tu en ferais autant. Il faut d'abord que je m'assure des possibilités, grommelle-t-il en saisissant son téléphone pour passer un coup de fil à Corentin.

Ludovic qui se tient devant eux pourrait avoir entre trente cinq et quarante ans. Il en a trente deux. Son visage est agréable et ouvert mais ses traits sont tirés. Il porte un pantalon classique noir qui a connu des temps meilleurs, une chemise blanche impeccable avec sur la poche le sigle du Motus, un tablier noir dessiné par Arnaud pour l'inauguration, quelques jours avant Noël, de leur salle de dégustation de vin.

— Assieds-toi, Ludovic. Nous allons profiter de ce moment calme pour faire le bilan, commence-t-il en lui tendant un verre de Roche-Blanche. Ton essai est très satisfaisant. Je crois que c'est superflu de le prolonger. Ton service, les clients en sont très contents. François aussi. Tu travailles trois jours par semaine. Lorsque la terrasse sera fermée, malgré Laurent, l'apprenti qui va débuter, nous aurons besoin d'un second sommelier le jeudi. Fabrizio et François vont prendre des vacances successivement. Bref, le boulot ne manque pas. Tu as un salaire fixe, des pourboires et des avantages en nature puisque, comme tous, tu dînes ici. Tu m'as dit être sans attaches. Je te propose un contrat à durée indéterminée. Les conditions : passer de trois à quatre jours, ce qui avec ton horaire équivaudra à un temps plein, conserver l'arrangement actuel auquel nous ajouterons un studio du domaine des Perrière comme complément à ton salaire. Il n'est pas immense mais très complet : une vaste pièce de vie avec une mezzanine qui sert de chambre, cuisine ultra équipée, salle de bain, débarras avec lave-linge et séchoir. Situé au rez-de-chaussée, au dessus des bureaux, il s'ouvre sur le parc qui est attrayant et tranquille. Franchement, à Paris, c'est une aubaine. Il est conçu autant pour une personne seule que pour un couple. On ne sait jamais ! lance-t-il en voyant la grimace de l'homme à sa suggestion. Tu auras comme voisins Gabriel qui vous a donné un coup de main pendant les vacances. Lui, son frère aîné et sa sœur occupent le grand appartement mitoyen. Les heures prestées en plus les jours fériés ou aux fêtes de fin d'année par exemple, seront payées en supplémentaires. Qu'en penses-tu ?

— Cela me va parfaitement, dit Ludovic avec un sourire gêné et des doigts qui tremblent autour du verre de blanc. Il y a peu, j'ai discuté avec Jan et Benoît qui aime beaucoup le vin du domaine de Chamont. Jan m'a relaté l'aide apportée après son accident et ce que vous faites encore chaque saison afin qu'il continue de danser. Il m'a conseillé de venir vous trouver si j'avais un problème.

— N'hésite pas si cela se produit, nous ferons l'impossible pour te soutenir. Inutile de traîner, tu auras ton nouveau contrat lundi matin ainsi qu'un chèque pour les jours bossés sous l'ancien. Sacha doit aller se changer à l'hôtel des Perrière, il t'amènera les clefs de ton logis. Il est prêt, tu peux y emménager quand tu veux. Si tes meubles ne conviennent pas ou que tu habites un garni, il y a une réserve dans laquelle choisir de quoi t'équiper. Gabriel te montrera.

Il regarde Ludovic s'éloigner avec un soupir. Il a tenté de préserver sa fierté autant qu'il l'a pu. A-t-il bien fait de passer sous silence sa situation comme si c'était un fait honteux ? Combien y a en-t-il dans la rue ?

— Bravo, mon amour. Tu viens d'engager ton premier sommelier, lui souffle Rémi en posant une main sur sa cuisse et en serrant sa main doucement.

.

La terrasse est bondée, le bar ne désemplit pas. La table 7 non plus. Du côté restauration, le deuxième service est bien entamé.

— Ah ! Voilà notre oisillon ! Et pas seul, annonce Sacha qui s'est assis au bar devant lui.

— Sashka, il a dix-huit ans, raille Lucas. Si tu l'appelles ainsi devant ses camarades, il ne te dira pas merci, sache-le. Déjà à seize, il n'en était pas heureux.

Sacha lui adresse un clin d'œil. En effet, Gaby escorte trois élèves dont Amaury. Les deux autres : Céline et Evguenia. L'une est française, l'autre grecque. Ils ont admis en première année dix-sept filles et seulement treize garçons. Sean et Alexeï, Emily et Léonard les suivent de près. La petite troupe s'arrête devant le bar créant un bouchon humain au milieu du passage.

— Tu es enfin revenu ! s'enthousiasme Gaby en accolant Sacha. Tu me raconteras tout. Il y avait de beaux danseurs ? Tu as fait une rencontre ?

Sacha éclate de rire.

— C'est ça te narrer tout ? ironise-t-il. Je n'ai pas été en vacances. Il y en a des superbes, des quelconques, des moches, comme partout.

— Tu n'as de compte à rendre à personne, hein. Autant en profiter.

— Je le sais, Gaby. Je n'y allais pas dans ce but. Et je n'avais pas la tête à ça. Ni d'ailleurs le courage. J'étais épuisé. En comparaison, le Béjart Ballet Paris, c'est le club Med. Même si point de vue danse, c'était très intéressant, je suis infiniment content d'être rentré et je ne renouvellerai pas l'expérience de sitôt. Vous m'avez trop manqué.

— Vrai ? s'assure Gaby qui retrouve parfois le tic de son adolescence.

— Qu'est-ce que vous buvez ? Je vous offre votre premier verre de la soirée. Mais oui, toi également ! s'exclame Lucas en voyant que Gaby s'apprête à protester.

— Un coca light, s'il vous plaît.

— Moi aussi.

— Un Spa-menthe, si vous avez.

— Ici, c'est un Perrier-menthe, Amaury, se moque-t-il gentiment. Et on se tutoie dans la compagnie.

Interdit, le garçon le fixe d'un air embarrassé.

— Vous êtes bien installés ? s'enquiert Sacha pendant que Lucas sert les boissons.

— Oui. Le studio est chouette. J'espère que ma coloc sera sympa, commente Céline.

— C'est le risque des cohabitations, admet Lucas. Tomber sur quelqu'un dont le caractère ne vous correspond pas. Corentin qui s'en occupe est très consciencieux, il tente de dénicher les élèves qui ont un peu la même conception de la vie, ou des passions communes. C'est le pourquoi de ses questions que certains jugent indiscrètes.

— Tu es avec Carole, elle est en seconde, donc elle sera souvent en tournée. Elle est niçoise. C'est une fille cool. Un peu bavarde. Evguenia tu es avec une première année qui n'est pas encore arrivée, détaille Gaby.

— Toujours au courant de tout, raille Sacha.

— Si tu as du retard à rattraper, viens me chercher, beau blond, répartit l'impertinent gouailleur.

— Tu crois ça ! Evguenia, tu es avec Ilham qui est iranienne, lui dit Sacha en anglais. Nous avons choisi de vous mettre ensemble parce que vous êtes seules à parler votre langue à l'école : elle le persan, toi le grec. Vous avez par contre une bonne connaissance de l'anglais ce qui vous permettra de dialoguer. Vous aimez toutes deux les chevaux et l'équitation, Ilham participe même à des compétitions hippiques, termine Sacha avec un léger rire devant la stupéfaction du garçon.

— Vous avez choisi ? interroge Gaby.

— Tu te doutes bien que la plupart des colocations étaient déjà arrangées avant mon départ. Et pour les couacs de dernière minute, internet existe, tu sais. Le service location y est relié.

— Emilio, la 12, appelle Lucas.

— Ah ! Pour ça, tu n'étais pas fatigué ! s'indigne Gaby.

Sacha se contente de sourire.

— Qu'est-ce que j'ignore d'autre ? le nargue le garçon.

— Ce que nous ferons début janvier après la trêve de Noël et Nouvel-an, par exemple, intervient Lucas.

— Ah ! Notre cadeau de fin d'année aux étudiants ! s'écrie Sacha.

— Quel cadeau ? s'emballe Gabriel.

— Tu le sauras jeudi, en même temps que tout le monde, rétorque Lucas en riant.

— C'est sadique ! Les autres, on ne leur fait pas miroiter le nirvana pour les laisser ensuite dans l'expectative. Dis-le nous.

— Non. Et n'essaye pas ton charme sur moi, ça n'a jamais marché, lui assène Lucas.

Gabriel prend un air angélique d'enfançon puni à tort, puis esquisse une moue aguicheuse qu'il adresse au directeur artistique.

— Sashka chéri ! susurre-t-il en caressant d'une main son avant-bras, Lucas est méchant ! Défends-moi !

Tous ricanent de le voir faire le pitre. Gabriel provoque Lucas d'un regard en coin. Il sait que ce surnom lui est réservé. Personne d'autre n'ose nommer Sacha ainsi. Celui-ci lui lance un discret coup d'œil de mise en garde. Ah ! Le mécontentement ne vient pas d'où il l'attendait.

— Débrouille-toi, Gaby. Je ne supporte pas quand Lucas me fait la tête, plaisante Sacha.

— Donne-moi un indice. Un tout petit.

— Phoebus sera au zénith, jette Sacha après avoir réfléchi un moment.

— Phoebus ? Tu veux dire Apollon ?

— Tu voulais des beaux mecs, non ?

Amusé, Lucas contemple les échanges. À leurs côtés, tandis que les filles papotent en anglais avec force gestes lorsque ça coince niveau compréhension, Amaury tapote sur son smartphone avec application. Lucas le voit grimacer et recommencer. Après plusieurs minutes, il remet son téléphone portable dans sa poche avec un léger sourire. Et il tait ce qu'il a trouvé ou cru trouver. Intéressant, pense Lucas.

— Un problème, ici ? s'enquiert Rémi venu le rejoindre derrière le zinc.

— Gaby veut connaître la nature de leur cadeau de fin d'année.

— Mon dieu ! Vous lui en avez parlé. Il va être insupportable, s'exclame son époux avec un accent douloureux. Pour éviter qu'il nous poursuive, nous pose, cent fois par jour, la même question, on va devoir se déguiser, raser les murs, se cloîtrer peut-être. La vie va devenir un enfer, conclut-il lugubre.

— Pfffffff ! grommelle Gaby alors que tous éclatent de rire.

.

Amaury s'étire brièvement. Finies les grasses matinées. Et, pour une fois, il en est très heureux. Ce n'est pas la rentrée qui a lieu jeudi pourtant les choses sérieuses commencent. Les étudiants sont autorisés à participer aux leçons avec les danseurs, puis à suivre les répétitions. Une manière douce de se familiariser avec leur futur quotidien. Amaury a découvert des éléments qui lui ont plu. D'autres moins. Constat important : choisir un studio seul a été une sage décision. Il est sociable mais, parfois, il a besoin de solitude et, ici, cela semble rare.

Dès qu'il pointe son nez à la cafétéria ou qu'il le croise, il est entraîné par Gaby vers l'une ou l'autre activité. Dynamique, toujours de bonne humeur, un tantinet cabotin, Gabriel est gentil et serviable. Amaury éprouve des difficultés à lui refuser quoi que ce soit. Les élèves de première débarquent peu à peu. Avec constance. Une moyenne journalière de quatre ou cinq. Il n'en manque plus que six. Avec fierté, Gaby leur fait visiter les lieux. Il l'a accompagné à deux reprises. Trop intimidé par Bayot – Lucas, puisque tous tutoient et appellent ainsi le grand boss – il n'avait retenu que l'essentiel : comment s'orienter vers son logis. Le secrétariat et les bureaux de la direction sont maintenant ouverts. L'école bruisse de murmures, de rires, d'exclamations. Les panneaux d'affichage se tapissent peu à peu des horaires, des recommandations d'usage, du règlement. Les salles de danse sont sans arrêt occupées et retentissent de musique et d'exclamations joyeuses. Les nouveaux y pénètrent avec hésitation, s'asseyent sur les gradins ou sur le sol et observent. Nul n'ose s'imposer aux réguliers de la troupe.

Il envie un peu l'aisance de Gaby qui les connaît tous, les apostrophe de façon familière, se mêle à eux. Plus d'ailleurs qu'aux élèves de seconde année. Chaque fois, il présente les arrivants qu'il traîne dans son sillage. A force, certains le reconnaissent déjà, demandent s'il est confortablement installé, s'il se plaît à Paris.

Samedi, ils ont dîné à la table 7, suivie par de nombreux blogueurs. Ils sont sortis dans des boîtes du Marais. Le dernier club, le Dean's, est tenu par le compagnon de Lionel Archambeau, le père de Sacha. Il a dansé un zouk avec celui-ci, une bossa-nova avec John, une salsa avec Patrick Dupond. Ils sont d'horizons différents, d'âges tout aussi différents. La danse en fait une tribu très soudée. Trop ?

Il a vu souvent Lucas, avec Sacha ou Rémi. Ou les deux. Rarement seul. Lui paraît apprécier d'être perpétuellement entouré. Dimanche en matinée, il a entendu de la musique venant de la salle du premier. La curiosité l'y a attiré. Sacha dansait. Assis en tailleur sur le parquet, Lucas le regardait. Puis, ils avaient interprété un pas de deux sur une musique médiévale qu'il avait supposé tirée du ballet "Les quatre fils Aymon". Leur harmonie est magique. Plus tard, il les a revus à la cafétéria buvant un café. Lucas l'a invité à leurs côtés. Sean, Alexeï, Keisuke, Manuel, Yvan – deux de ses futurs professeurs – et Gaby n'ont pas tardé à les rejoindre. Ils parlaient encore et encore de danse. Que savent-ils les uns des autres en dehors ?

Dimanche en fin de journée, avec des airs mystérieux, Gaby lui a proposé de participer à un barbecue. Avec Clara, sa sœur et trois élèves : Céline, Maria et Joshua, ils ont été faire des emplettes dans le quartier. Ensuite, il a découvert un lieu étonnant. Plus loin que la salle de spectacles, encerclé d'une rangée de conifères le dissimulant aux visiteurs, il y a un petit espace détente pour les habitants de la résidence des Perrière. Il comprend une aire de barbecue octogonale avec plusieurs foyers, des tables et des bancs en pierre disposés tout autour et des jeux pour enfants. Un petit tourniquet, une structure multi-jeux en bois avec pont de corde, toboggans, balançoires, tunnels et, pour les plus jeunes, de drôles d'animaux montés sur ressorts qui se balancent, se dandinent au gré des élans de leurs cavaliers. D'autres, des danseurs, des employés, avaient eu envie de profiter de ce dernier dimanche de vacances et cinq grilles étaient déjà occupées. Christophe, le grand-frère de Gaby, très sympathique au demeurant, est venu les rejoindre dès la fermeture de la cafétéria avec le charbon de bois et s'est lancé dans la cuisson de leurs viandes. Eux confectionnaient les salades, coupaient le pain. L'ambiance était agréable et familiale. Les enfants jouaient. Les adultes aussi. Ils ont fait quelques passes de football sur la pelouse voisine. C'était chouette.

De retour à son studio, il s'est précipité sur la terrasse, on voyait nettement l'endroit. Le regard attiré par les fleurs, les paons, les canards qui s'ébattent sur la pièce d'eau, sans parler des jets d'eau blanchie par l'écume qui y retombent avec grâce, il n'y avait pas fait attention. L'ensemble est attrayant, il pourrait y prendre goût. Et il y a la vue sur la multitude des toits de Paris. Il ne s'en lasse pas.

Le lundi, tout le monde est en congé. Ce calme lui plaisait, il a dansé en la salle Jorge Donn. Il voulait oublier dans les mouvements familiers toutes ces choses nouvelles qui le perturbent.

— Ouvre bien tes gestes, Amaury. Il faut être généreux. Tu dois tout donner, tes soucis, tes peurs comme tes joies.

Lucas, appuyé sur son mari, le bras de Rémi autour de sa taille, le contemplait le sourire aux lèvres.

— Maîtriser la technique est important, d'accord. Tu es ici afin de l'apprendre. Cela viendra peu à peu. Bientôt, tu feras ça de façon aussi naturelle que respirer. L'expression, par contre, c'est en toi que tu la trouveras. Nulle part ailleurs. Tu as un très bon potentiel. Aie confiance en toi.

Ils l'ont laissé et il a travaillé jusqu'à n'en plus pouvoir. Plus serein, il est remonté à son studio et a dialogué via internet avec sa famille et ses copains. Incapable d'exprimer ce qu'il ressentait dans ce déracinement, il ne l'avait fait que très brièvement. Voire pas du tout avec certains. C'est seul qu'il a pris, le soir, le chemin du Motus.

.

Lorsqu'il pénètre dans la salle de danse avec dix minutes d'avance, elle bourdonne des conversations des danseurs et élèves mélangés qui se découvrent ou se retrouvent. Peu d'élèves de première encore. Soudain, un tumulte naît et enfle. Ça chuchote, ça caquette à qui mieux mieux. Qu'arrive-t-il ? Il s'approche de Sean et Alexeï qui discutent avec Nathan et Mehdi. Superbe garçon soit dit en passant.

— Joffrey a déjà mis l'organigramme en ligne, s'écrie Emily.

— Normal. La rentrée de l'école c'est jeudi, mais celle du Béjart Ballet Paris, c'est aujourd'hui, fait valoir Nathan en plongeant vers son sac de sport.

Amaury perçoit des exclamations diverses de la part des jeunes danseurs qui se ruent sur leur smartphone ou autour de l'ordinateur de la salle. Il ne comprend pas leur excitation.

— Stephane Grandjean remplace Brigitte Lefèvre, clame une voix aiguë. Il vient du New-York City Ballet.

— Et Göran Svalberg, en invité ! renchérit Céline non loin de lui. Il est si beau. (2)

— Il a un certain âge maintenant. La cinquantaine au moins... Enseignement Béjart, précise Nathan à ses côtés. Logique.

— Je les aime mûrs, rétorque-t-elle. Avec de l'expérience. Le psy dit que c'est mon père que je cherche à travers eux... Qui sait.

— Joaquin est vraiment parti, soupire une jeune-fille qu'il ne connaît pas.

— Depuis sa rupture avec Matte, il n'attendait que ça. Il désirait s'en aller. Lucas s'en est occupé à sa demande. Pour un an, il est à Nice, chez Eric Vu-An, explique Mehdi. Après, il verra s'il veut revenir ou pas. La porte lui sera toujours ouverte, a dit Lucas. On reste en contact de toute manière.

— Fabrizio LIGGI comme second répétiteur. Il vient du ballet de Marseille.

— Jamais entendu parler. Naïma est devenue répétitrice de l'école.

— Dans son état, elle n'avait pas le choix. À mon avis, elle ne reprendra pas la scène après son accouchement.

Ah ! Amaury n'avait rien remarqué à la cafétéria quand il l'a vue. On la disait gay. Rumeur fausse apparemment.

— Prof de théâtre invité : Sagamore Stevenin ? Ce n'est pas l'acteur qui joue dans la série policière sur TF1 ? Tu sais le flic qui demeure dans le coma pendant des années...

— Falco...

— C'est ça ! Il est craquant... Il a des yeux d'un bleu !

— Je lui jouerais bien une comédie à ma façon, intervient une voix masculine.

— On dit qu'il va se marier, raille une autre, et avec une femme.

— Quel gâchis !

Quelques rires retentissent.

— On va aller voir les kangourous ! s'exclame un garçon remarquable par son look décalé : cheveux noirs tout ébouriffés, maquillage qui fait ressortir des yeux clairs très lumineux, un ample tee-shirt à fleurs fuchsia dont l'encolure large dévoile, au moindre mouvement, le tatouage qu'il arbore sur l'épaule, un bermuda collant noir et des chaussons demi-pointes du même rose tonique que son haut complètent sa tenue extravagante. Allons-y ! Tout le monde avec moi !

Il se met à sautiller, mimant un des marsupiaux cités. Deux filles lui emboîtent le pas. D'autres se décident, c'est bientôt tout une chenille bondissante qui parcourt la salle dans tous les sens. Effaré, Amaury les suit des yeux.

— Saverio est un fameux numéro, se moque Nathan. Excentrique mais très gentil. Excellent danseur. Il est en deuxième année.

Pour étudier l'organigramme, Amaury se penche vers l'ordinateur portable de Nathan qui lui sourit.

— Bienvenue à l'asile des Perrière, chuchote-t-il en lui adressant un clin d'œil.

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Béjart Ballet Paris

ORGANIGRAMME

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DIRECTION

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Président de la Fondation Béjart

Jean Pierre PASTORI

Directeur

Lucas BAYOT

Directeur artistique

Sacha MENIER

Directeur de la danse

Patrick DUPOND

Directrice administrative

Amélie BAYOT

Directeurs de l'École-Atelier Donn-Bayot

Vera MENIER

Lionel ARCHAMBEAU

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ADMINISTRATION

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Secrétariat de Lucas BAYOT
Françoise FONTAINE

Comptabilité & Ressources Humaines
Nicole UZOT

Responsables WLB IMMO

Alice Vernier (gestion)

Corentin Demarche (location studios élèves)

Responsable Salle Jorge Donn

Pascal NEUJEAN

Presse & Communication
Cornelia RAMIREZ
communication_at_

Web Designer

Joffrey FERAC

Billeterie – Organisation de voyages
Pascal JOURET

Akiji MISUNI

Catering
Rémi WIAME

Contact :
BejartParis_at_

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DANSE

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Maître de ballet
Patrick DUPOND

Enseignement de la danse
Patrick DUPOND

Stéphane GRANDJEAN

Répétiteurs
Jan VERMEER

Fabrizio LIGGI

Pianiste

Nina CAPENA

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Danseuses

Falila AMASSI

Noémie BLOMBERG

Maude CAPRASSE

Tania FALISE

Sofia KOLAJCZAK

Arsiana LENZI

Lise MAYOTTE

Lisbeth NIEDERMANN

Julie NYSSEN

Katherine SOUVOFF

Anissa VARGA

Susan WEISS

Danseuses stagiaires

Firouze AL-BAGHDADI

Emily BLAIR

Asmaa FACHETTI

Camelia MASSANI

Ái LIÊN QUANG

Elzbieta SIKHOVA

Danseurs

Lucas BAYOT

Xavier BONTEMPS

Maxime BOULANGER

Benoît CAVIER

Jimmy DANJOUTIN

Gabriel ELSEFFE

John FELLERT

Sean HODGKIN

Sven IGAR

Bernard JAUNET

Karol LIPISKY

Alexeï KASSOF

Sacha MÉNIER

Keisuke NASUNO

Anh Dũng QUANG

Loïs de VALMONT

Mathias ZULCA

Danseurs stagiaires

Kevin ALLISTER

Amitiyoti CHAUHAN

Léonard COLLIN

Mehdi EL AMAWI

Victoire FÉROU

Nathan GERARD

Étienne NOBLET

Yannick VERLANT

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TECHNIQUE

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Secrétariat technique

Carole LECARE

Physio-osthéopathe

Giovanni PASSANI

Ahmed LARBI

Service social

Élise VERCOEUR

Responsable lumière

François VANDERMEEREN

Régisseur compagnie & plateau

Sylvain LATOUR

Créateur et réalisateur effets spéciaux

Sylvain LATOUR

Costumiers

Dorian DEVILLE

Arnaud MALLET

Coiffeur

Samuel LEFEVRE

Maquilleuses

Caroline BLANCHET

Linda CASSANE

Chef cuisinier

Christophe VERNIER

Cafétéria

Lorenzo DI MARIA

Concierge

Abdel FARAJ

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École-Atelier DONN – BAYOT

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DIRECTION

Vera MENIER

Lionel ARCHAMBEAU

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Saison 2015-2016

Professeurs de danse

Evanna CARTOWN (Classique, pointes et technique filles)

Patrick DUPOND (Classique, pas-de-deux, pointes et technique garçons)

Stéphane GRANDJEAN (Classique)

Manuel INEIRO (Répertoire de Maurice Béjart)

Yvan YORGEFF (Contemporaine)

Professeurs de danse suppléants

Benoît CAVIER (Contemporaine)

Bernard JAUNET (Classique)

Professeurs cours complémentaires

Valérie BASTIN (Français)

Jeremy MAC DOVELL (Anglais)

Laura MAEVIA (Chant)

Jonas MAYONGA (Rythmes & percussions)

Jonas MAYONGA, Ramon CALLAR, Jérémie FASSOTTE (Capoeira)

Rémi WIAME (Nutrition, cuisine diététique)

Professeurs invités

Nicolas LE RICHE (Répertoire Rudolf Noureev)

Benjamin MILLEPIED (Danse classique)

Sagamore STEVENIN (Comédie)

Göran SVALBERG (Répertoire Béjart)

Eric VU-AN (Répertoire Martha Graham)

Répétiteurs

Tia BATES

Naïma KALEMBA

Secrétariat de direction

Sébastien CRIMOT

Surveillant – coordinateur

Françoise CASSI

Fabien GERARD

Physio-osthéopathe

Ahmed LARBI
Giovanni PASSANI

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Élèves

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Première année

Filles

Marwa ASSEMANI

Maria BARESI

Annaëlle BOTTELDOOM

Laurine GALLOIS

Gaïa GRIZA

Sophia HOFMANN

Li Mei HSIAO

Eloïse HUMPHRIES

Evguenia IOANNIS

Ilham KHEDIMI

Valeria LOMBARDI

Alba RAMOS

Iguazel SOTO VERA

Mélissandre VERMIER

Céline VILLARD

Claudia WIRTH

Julita ZIELINSKA

Garçons

Sörös BENDEGÚZ

Amaury CILLET

Baptiste CORMIER

Julien DÉZIEL

Thibault GALAND

Oliver GUERNON

Liam LEACH

Driss NAHAS

Aaron PARKINS

Erik PEDROZA ORNELAS

Joshua RINZEMA

Gabriel VERNIER

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Deuxième année

Filles

Chelsea ANDERSON

Carole ANUNZIO

Fleur BARLAGNE

Bellina BARREZI

Melissa CUNHA BARBOSA

Zoé DESNOYERS

Micaela DIEUZÈDE

Fortunée KALANGA

Victoria LOMÉDA

Lara NAZARIO VALLEJO

Sara NIELSEN

Ellie O'NEILL

Gwenaelle VINÇOTTE

Antsje ZWIGGELAAR

Garçons

Breno ARAUJO SOUZA

Jon ARVIDSSON

Ács TAKSONY

Kang CH'IU

Royden DEBLOIS

Saverio GALLO

Lance GRIGNON

Youness KHAOULANI

Patrick KONIG

Johan OLESEN

Jouni PEKKANEN

Soren PETIT

Olivier RHÉAUME

Hardouin SÉGUIN

Rikkert STAPPER

Trịnh VIÊT HOÀI

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Partenaires

Académie Fratellini

Cours Florent

Adventure Line Productions

Florent VIGNEAU Photographie

Contact :
DonnBayot_at_

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(1). The Nomad Soul (ou Omikron: The Nomad Soul) est un jeu vidéo d'action-aventure développé par le studio français Quantic Dream et édité par Eidos Interactive en 1999. The Nomad Soul se déroule dans l'univers riche et glauque imaginé par David Cage . Mêlant à la fois des thèmes futuristes comme l'intelligence artificielle ou la biomécatronique , à des thèmes plus ésotériques comme la religion ou la magie, l'univers sombre et poétique de Omikron est l'atout majeur du jeu.

Le scénario est très immersif de par le principe du « transfert de l'âme » du joueur qui place le joueur dans la même position que le personnage (en développant ainsi un niveau complexe de focalisation interne), à savoir ignorant tout de la ville, de l'histoire et du passé du personnage incarné. Le joueur a par la suite la possibilité de changer de corps en effectuant un « transfert d'âme », par nécessité ou par plaisir. Trente personnages sont "incarnables". Ils varient d'un agent-enquêteur à un héros mythique en passant par une infirmière, un mercenaire cyborg, une danseuse de peep-show... L'intérêt de changer de corps est largement enrichi par le fait que chaque « incarnat » possède ses propres caractéristiques (force, endurance, talents de combattant(e)...), et visiter son appartement permettra de collecter de nouveaux objets, voire tout simplement de jouir un peu plus de l'excellent design du jeu.

Les musiques ont été composées par Xavier Despas, avec la participation de David Bowie et Reeves Gabrels pour les chants et sont interprétées par David Bowie lui-même, parfois au cours de concerts virtuels donnés dans les bars d'Omikron. En plus de pouvoir assister aux concerts de l'avatar virtuel du chanteur et de son groupe, il est également possible de récupérer tout au long du jeu des enregistrements du groupe et de les jouer dans des bornes d'écoute que l'on peut trouver dans les nombreux appartements de la ville.

David Bowie joue également le rôle secondaire de Boz en plus de celui de chanteur du groupe The Dreamers. Toutes les chansons qu'il interprète dans le jeu font partie de l'album Hours..., à l'exception du thème du générique de fin : We All Go Trough.

Le jeu s'est vendu à environ 600 000 exemplaires. Après la mort de David Bowie, il a été disponible gratuitement en téléchargement sur Steam grâce à un code de promotion, afin de rendre hommage au chanteur.

(2). Dans un article au sujet de Mozart Tango : On en distinguera un qui éblouirait un aveugle. Tant sa luminosité pulvérise la nuit d'un palais, fût-il des congrès. Cette créature inouïe, d'à peine vingt printemps, se nomme Göran Svalberg et nous descend donc des hauteurs de Suède. C'est un extraterrestre à crinière blonde jusqu'à la blancheur et à torse de marbre de Carrare, un Hermès de Praxitèle vivant, un David de Michel-Ange soudain tourbillonnant sous sa verrière de l'Académie, à Florence. Jorge Donn, ex-star de Béjart, bouleversait par sa sensualité brutale. Svalberg nous met à genoux par la perfection irréelle de sa plastique marmoréenne, diaphane par sa ligne de jambe et sa courbe de fesse, galbée dans les costumes (par ailleurs discutables) du styliste italien Gianni Versace. En prime, l'elfe scandinave arbore dans l'œil une coquetterie à damner couvents de carmélites et abbayes de moines.

C'est qu'il est un ange, en vérité, ce Göran de Stockholm. Un ange beau comme la Mort. On a succombé.

Michel Boué (L'humanité) 16 février 1991

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Voilà. Vous avez fait connaissance de quelques uns des nouveaux personnages principaux de cette seconde aventure. Au début vous trouverez peut-être un peu ardu de les découvrir. L'organigramme est là pour vous aider au cas où.

Pas de panique. :)

Il est bien entendu que la plupart des personnes, élèves ou danseurs cités n'apparaîtront pas dans le déroulement de l'histoire. Quarante-trois danseurs et danseuses, soixante élèves, les professeurs, les employés... je ne suis pas masochiste. :) Très vite les quelques protagonistes essentiels vous seront familiers.

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