Bonjour à tous ! Je reviens aujourd'hui pour une nouvelle histoire. Vous aimez l'univers du stylisme, New York et les mondanités ? Cette histoire est faite pour vous, hâtez-vous de faire connaissance avec les protagonistes ! Vous n'aimez pas ? Et bien, lisez quand même, on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise. Et puis, vous êtes arrivé jusqu'ici, ce serait dommage de revenir sur la page précédente, non ?
Je vous souhaite une excellente lecture ! :)
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— Avances un peu plus ta jambe gauche, regarde vers la droite, comme s'il y avait quelqu'un au loin.
J'ai exécuté les ordres du photographe avec application. Peu après, le bruit du déclencheur de l'appareil photo a retenti dans la pièce. La lumière du flash s'est réfléchie dans les parapluies en face de moi, m'aveuglant presque au passage.
— Voilà parfait, Andy ! Maintenant, met tes mains dans tes poches arrières et regarde-moi, a continué Ricardo, le photographe de la Maison Conti.
J'ai enfoui mes mains dans les poches de mon slim noir et de nouveau, j'ai pris la pause. Ricardo s'est déplacé de droite à gauche pour me photographier sous tous les angles.
— C'est bien… C'est très bien même…, a-t-il fait d'un air songeur en allant voir le résultat sur un ordinateur posé non loin de là. A présent, tourne-moi le dos et écarte les bras et les jambes.
Je me suis tourné face à la toile de fond blanche, suivant les indications du photographe, un peu sceptique tout de même quant à la position à prendre. Enfin, Ricardo était connu pour l'excentricité de ses demandes, et on n'y faisait plus beaucoup attention à la longue. Une fois encore, le bruit devenu habituel de l'appareil photo s'est élevé dans l'air.
— Super ! Merci Andy, ce sera tout pour aujourd'hui. Tu as été génial !
Je l'ai remercié d'un sourire avant de quitter d'un pas rapide le studio surchauffé par les projecteurs. Enfin ! Au bout de presque une heure de passé à me faire photographier, c'était la libération !
J'ai rejoint mes amis qui m'attendaient dans le couloir attenant au studio.
— Alors ? ont demandé en cœur Daniel et Savana tandis que je récupérais ma bouteille d'eau et une petite serviette pour m'éponger le front.
Daniel, ou plutôt Dan, comme on l'appelait, était celui que je considérais comme mon meilleur ami. A l'instar de Ricardo, il était photographe lui aussi et il avait été embauché chez Conti peu avant moi. Savana, quant à elle, était l'une des nombreuses modèles de la collection pour femme de la maison Conti. Grande, blonde et élancée, elle incarnait le parfait stéréotype d'un mannequin. Elle avait terminé son shooting photo un peu plus tôt dans l'après-midi. Je ne connaissais pas mes amis de longue date, mais le courant était immédiatement passé entre nous.
— Nickel, Ricardo semblait vraiment très content ! J'espère que ça rendra bien.
Et pour cause, il s'agissait mon premier important shooting pour Conti. Mes photos se retrouveraient dans le catalogue présentant la collection printemps-été de la maison. J'étais impatient de découvrir le résultat. L'idée de poser pour l'une des plus célèbres maisons de coutures au monde me faisait encore tourner la tête. J'étais loin de m'y être habitué, même si cela faisait presque un mois que je travaillais chez Conti, à présent. Qui sait si j'arriverais un jour à réaliser la chance que j'avais ?
La porte par laquelle je venais de sortir, s'est ouverte sur une des assistantes de Ricardo.
— Jay Hawkins, c'est à vous ! a-t-elle appelé.
Le Jay Hawkins en question se trouvait à quelques mètres de nous. Il était ce qu'on appelait le Premier Modèle, l'égérie de la maison. Tout le monde le connaissait dans le milieu. Il était détestable, se croyant plus fort que tout car il avait eu le privilège d'approcher le grand Laurent Conti. Jay s'est rapproché pour entrer à son tour dans le studio, ne manquant pas de me bousculer au passage.
— Hey ! Tu pourrais faire attention ! me suis-je exclamé.
Le jeune homme, à peine plus âgé que moi, m'a regardé avec une lueur de défi dans les yeux, avant de disparaître dans le studio. La porte s'est refermée dans un claquement sec.
— Ouh, il y a de l'animosité dans l'air ! a gloussé Savana.
J'ai soupiré.
— Laisse tomber Andy, il est juste jaloux que tu sois meilleur que lui, a fait Dan en me tapotant l'épaule.
— Tu lui fais de l'ombre et il n'aime pas ça, c'est tout. Et puis crois-moi, je suis sûre qu'il va bientôt être mis sur le banc de touche par notre cher ami Laurent Conti. Les gens se lassent, il ne fait plus vendre comme avant.
Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire. Au fond, elle avait raison, la mode est un milieu impitoyable et tout le monde sait que la gloire y est éphémère. On me l'avait assez répété. Et Jay Hawkins, un temps l'égérie adulée de la maison Conti semblait de plus en plus avoir fait son temps.
— S'ils vous mettent à côté sur le catalogue, je rigole, a ajouté Savana.
— Et moi, je pleure…
La jeune blonde a fait une mimique théâtrale.
— « Les deux grands rivaux de Conti en face-à-face. »
— Pitié ! ai-je ri, Je n'ai absolument rien à voir avec ce type, enfin j'espère…
— Hmm si ! Vous avez au moins un point commun, vous êtes aussi gay l'un que l'autre !
Nous avons tous les trois éclaté de rire. C'était la vérité, ni moi, ni lui ne cherchions à le nier ou à nous en cacher. Et les journalistes people ne se gênaient pas pour prêter à Jay bon nombre d'amants.
— Certes, mais ce n'est pas pour autant que je voudrais me retrouver dans son lit, ai-je fait, hilare.
— Pourtant moi, j'en aurais bien fait mon quatre heure à ta place, a renchérit Savana.
— Ah non ! Tout ce que tu veux, mais pas lui !
— Bon les gars, je sais pas vous, mais moi je ne compte pas rester là toute l'après-midi. On bouge ? est intervenu Dan.
Je l'ai vu couler un regard en direction de la jeune fille qui nous accompagnait et j'ai ri intérieurement. Mon meilleur ami était aussi hétéro que moi j'étais gay. Dan était raide dingue de Savana, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. N'importe qui aurait pu le remarquer et seuls les deux intéressés semblaient ne pas s'en rendre compte.
— Prenez de l'avance, je dois encore aller me changer.
J'ai fait un clin d'œil à Dan, espérant qu'il comprenne que je lui laissais là une occasion en or de parler avec Savana. Les deux jeunes gens ont acquiescé et se sont éloignés dans le couloir, en direction de l'ascenseur. Quant à moi, j'ai rejoint la loge des modèles qui se trouvait non loin de là. Celle-ci était presque vide. La plupart des modèles participant au shooting photo étaient passé sous l'objectif de Ricardo plus tôt dans la journée et avaient déserté les lieux depuis longtemps.
J'ai ôté avec précaution ma tenue avant de la mettre sur cintre et de l'accrocher sur l'un des nombreux portants de vêtements qui se trouvaient dans la loge. Après m'être rhabillé en tenue de ville, j'ai jeté un coup d'œil à ma coiffure dans le miroir. Mes cheveux bruns foncés avaient été coiffés en brosse pour le shooting, mais quelques mèches rebelles n'en faisaient qu'à leur tête. J'ai rajouté un peu de gel pour les remettre en place. Autrement, sans gel, ma chevelure était indomptable. En tant que mannequin, je me devais d'être coiffé impeccablement, en toutes circonstances. Enfin, j'ai pris une lingette démaquillante pour enlever mon fond de teint. Contrairement à d'autres, ma peau étant déjà assez mate, je n'avais pas besoin de beaucoup de maquillage pour paraître sous mon meilleur jour sous le feu des projecteurs.
Finalement, j'ai récupéré mon sac et j'ai rejoint mes amis dans le hall du gratte-ciel qui abritait le siège de la maison de couture Conti. Ils étaient reconnaissables de loin. Savana, avec ses longs cheveux blonds et sa plastique sans aucun défaut rassemblait à une véritable poupée. C'était certes un peu cliché, mais c'était la seule comparaison qui me venait en tête lorsque je la voyais. Dan, quant à lui, portait comme à son habitude son chapeau Trilby noir, dissimulant une tignasse rousse en bataille, et une chemise à carreau. Il emmenait partout avec lui son appareil photo qu'il gardait soigneusement rangé dans une besace en toile beige.
Je me suis rapproché lentement, espérant capter une conversation intéressante entre les deux jeunes gens. Malheureusement pour moi, ils ne s'échangeaient que des banalités. J'ai soupiré avant de finalement me décider à me montrer.
— Hey ! C'est bon, on peut y aller !
Mes deux amis se sont tournés vers moi.
— Et bien, tu en as mis du temps, tu es pire que moi parfois ! a fait Savana.
— Et encore là c'est rien ! Tu le verrais le matin, c'est une horreur, a ajouté Dan.
Je lui ai tiré puérilement la langue avant de faire semblant de bouder.
— Vous exagérez toujours tout !
Dan a levé les yeux au ciel en secouant la tête. Je vivais en colocation avec mon meilleur ami dans un loft. Quand je l'ai rencontré, lors de mon premier jour de travail chez Conti, j'étais en pleine galère. Je venais à peine de débarquer à New-York, moi, le petit italien de 19 ans, qui n'avait jusqu'à présent connu que la chaleur de la région des Pouilles et l'authenticité de Rome. Je ne connaissais encore personne et j'étais un peu paumé au milieu de tous ces gratte-ciel. Je dormais encore à l'hôtel et j'étais en train d'y passer toutes mes économies. Dan et moi avions discuté un moment dans la bonne humeur, faisant connaissance. Quand le jeune homme avait eu connaissance de ma situation, c'est tout naturellement qu'il m'avait proposé la chambre libre du loft qu'il louait à Conti pour une somme dérisoire, ce que j'avais accepté avec soulagement. Je lui devais une fière chandelle.
En deux pas, Savana s'est rapprochée de moi et a passé un bras autour de mes épaules.
— Allez, fait pas la gueule, on t'aime !
— M'ouais…
— Bon, c'est quand vous voulez ! nous a appelé Dan alors qu'il commençait déjà à se diriger vers les portes d'entrée.
Nous l'avons suivi, et quelques secondes après, nous débouchions sur la 65ème avenue. Nous nous trouvions en plein milieu de Manhattan, non loin de Central Park. Des voitures circulaient sans discontinuer et les piétons pressés se bousculaient. Nous nous sommes engagés parmi eux. Si l'euphorie New-Yorkaise pouvait surprendre au début, on s'y faisait très vite.
Nous avons traversé plusieurs rues avant de tomber sur un Starbucks Coffe. D'un commun accord, nous nous sommes engouffrés dans le bar. Nous avons commandé nos boissons – un café frappé pour Dan et Savana et un cappuccino pour moi, ne dérogeant pas à mes habitudes. Les cappuccinos de chez Starbucks n'égalaient pas ceux que j'avais pu boire durant mon enfance mais ils avaient le mérite d'être un excellent remède au mal du pays. Nous sommes allés nous asseoir à l'étage pour pouvoir être plus tranquilles. Tandis que je sirotais ma boisson, j'ai vérifié mes notifications sur mon portable, et mes deux amis ont fait de même. Dans le milieu de la mode, être présent sur les réseaux sociaux était fondamental, non seulement pour être en contact avec nos « fans » mais aussi car c'était là que les stylistes et les photographes repéraient leurs modèles.
Je m'apprêtais à poster un Tweet sur le célèbre réseau social quand une exclamation de Dan m'a fait relever les yeux.
— Andy ! Un article sur toi, encore !
— Ah oui ?
— Attendez, je vous le lis. « Andy Tiziano, le mannequin qui monte.
Comme nous vous le révélions en intégralité il y a quelques semaines de cela, Andy, diminutif de son prénom Andrea, Tiziano a intégré l'une des plus célèbres maisons de couture New-Yorkaise, dirigée d'une main de fer par Laurent Conti. Le mannequin avait été repéré par le fameux créateur de mode lors de la dernière édition d'Alta Roma.
Le bel italien, qui vit désormais le rêve américain, à récemment participé au shooting qui présentera la prochaine collection pour homme de la maison Conti. Nul doute que cela pourrait être un tournant décisif dans sa carrière. En effet, Laurent Conti, après avoir longtemps porté aux nues le désormais célèbre mannequin Jay Hawkins, semble porter de plus en plus d'intérêt au jeune italien. La présence d'Andy dans de nombreuses pages du catalogue pourrait définitivement changer la donne. Cela redonnerait certainement un peu de fraîcheur et de nouveauté à la maison Conti, qui après avoir dominé le monde en matière de haute couture, s'est lancée dans le prêt-à-porter depuis deux saisons. Alors, Andy Tiziano deviendra-t-il la nouvelle muse de Laurent Conti ? Affaire à suivre… »
— J'en connais un qui ne vas pas être content, a commenté Savana, même les journalistes le disent que tu surpasses Jay ! Tu es une star !
Je me suis tu un instant, le temps d'assimiler toutes les informations, mais surtout de démêler le vrai du faux. Parce qu'il y avait toujours une part de faux dans ce genre d'articles, qui visaient en grande partie à faire le buzz.
— Ce qui est incroyable, ai-je finalement commencé, c'est qu'ils affirment que Laurent Conti s'intéresse à moi. Je me demande bien où ils sont allés chercher ça. Je ne l'ai jamais vu, ce type, à part en photo, et je lui ai encore moins parlé.
— Pourtant, tu as bien été contacté par la maison après Alta Roma, il me semble que c'est ce que tu m'avais dit, non ? a dit Dan en fronçant les sourcils.
J'ai haussé les épaules.
— Oui, mais qui me dit que c'est Conti lui-même qui a voulu me recruter ? Cela aurait très bien pu être ses assistants ou ses agents.
Savana a soupiré avant de couper court à nos suppositions.
— Laissez tomber les gars ! Laurent Conti est, et a toujours été, un mystère. Il est peut-être l'homme le moins accessible de tout New-York ! On ne le voit jamais, ni aux soirées de gala, ni aux shooting, et encore moins aux défilés. A croire qu'il n'existe qu'à travers des photos et ses créations que nous portons.
— Il paraît qu'il ne sort quasiment jamais de son bureau et qu'il peut rester enfermé des nuits entières dans son atelier, a complété Dan, nous travaillons pour un fantôme il faut croire.
Savana s'est soudain levée pour aller saluer une des ses connaissances qui venait de faire irruption dans la salle, une autre modèle certainement. Il n'était pas rare que des employés de Conti prennent un café ici durant leur pause ou après leur journée de travail. Tandis que mon meilleur ami la suivait du regard, j'ai baissé les yeux sur mon gobelet Starbucks, encore à moitié plein. Cette histoire m'intriguait. Je ne savais pas trop quoi en penser. Il fallait dire que depuis que j'avais été engagé chez Conti, je n'avais pas trop eu le temps de réfléchir à la personne pour qui je travaillais. Quand on m'avait dit que la maison de couture New Yorkaise s'intéressait à moi, j'avais sauté sur l'occasion sans me poser de questions, voyant là une occasion de réaliser mon rêve. Mais en y repensant… On m'avait souvent dit que Laurent Conti m'estimait beaucoup et me portait beaucoup d'intérêt. Qu'il voulait faire de moi l'un de ses principaux modèles. Depuis que j'étais arrivé ici, on n'avait cessé de me promettre un bel avenir. Pourtant, jamais le mystérieux styliste n'était venu à l'un de mes shooting photo, ou n'avait cherché à prendre directement contact avec moi. C'était étrange tout de même…
— Au final, a repris Dan en s'étirant, peut-être bien que Laurent Conti est un mythe, qu'il n'existe pas ou alors qu'il est mort il y a plusieurs années et que les hautes sphères de Conti gardent le secret sur son décès…
J'ai éclaté de rire face à l'absurdité de ses hypothèses. Au même moment, Savana est revenue s'asseoir.
— N'y pensez même pas les gars ! Laurent Conti est bien réel. Plusieurs mannequins ont affirmé avoir eu une liaison avec lui.
— Enfin, cela n'a jamais été confirmé par le principal intéressé, a fait mon meilleur ami en haussant les épaules.
— Même Jay Hawkins ? ai-je demandé.
Ma curiosité avait été piquée, pour le coup. Savana a semblé réfléchir quelques secondes.
— Il y a eu des rumeurs à moment donné, si je me souviens bien. En même temps, Jay est l'un des rares à avoir pu approcher Laurent Conti…
J'ai acquiescé. Cela était probable, et expliquerait bien des choses. A commencer par le fait qu'il soit resté si longtemps Premier Modèle, sans aucun rival. Si Laurent Conti lui avait donné son immunité, alors je comprenais mieux pourquoi.
Savana a bu une gorgée de son café frappé.
— De toute façon, a-t-elle repris, cela fait presque un an que je travaille chez Conti et le patron est toujours autant un mystère pour moi, ce n'est pas aujourd'hui qu'on va le résoudre. Laurent Conti n'aime peut-être pas les gens, tout simplement.
— Tu es en train de dire que le boss de l'une des plus célèbres maisons de couture au monde est un type asocial ? s'est étonné Dan en écarquillant les yeux.
La jeune fille a haussé nonchalamment les épaules.
— Je ne vois que ça comme explication. A moins que tu aies une autre hypothèse qui tienne la route ?
— Et toi Andy ? T'en pense quoi ? m'a questionné mon meilleur ami.
Aussitôt, deux paires d'yeux se sont posées sur moi, attendant une réponse. Je me suis senti mal à l'aise.
— Et bien… J'en sais trop rien… Tu as peut-être raison Savana. Mais bon, après tout, on n'a qu'à faire comme on l'a fait jusqu'à présent, travailler pour le grand Laurent Conti sans se poser de questions.
Mes deux amis ont hoché la tête. La discussion était close. Il n'y avait plus rien à dire de toute manière. Nous en savions tellement peu sur le créateur de mode que nous parlions dans le vide, et ça ne servait à rien. J'ai de nouveau baissé les yeux sur mon téléphone. Néanmoins, j'avais beau dire ça, comme beaucoup d'autres chez Conti, j'aurais fait n'importe quoi pour avoir au moins le privilège de l'apercevoir. Ce type avait marqué de son empreinte le monde de la mode. Le style de ses créations, original et décalé, en avait frappé plus d'un et continuait d'inspirer de nombreux artistes, sur la planète toute entière. Et en plus de ça, sa gloire l'avait rendu richissime. Cependant, personne ne pouvait prétendre connaître sa vie personnelle. On ne le voyait que lors d'interviews à la télévision ou sur les tapis rouge. Mais jamais, au grand jamais, il n'avait parlé d'autre chose que de ses créations. Savana avait raison, c'était comme s'il n'existait qu'à travers elles.
La jeune blonde, en parlant d'elle, s'est relevée de sa chaise après un moment et a récupéré ses affaires.
— Bon, les garçons, je dois filer moi.
— Déjà ?
— Oui, je viens de me rappeler que j'ai un petit à garder ce soir.
Elle nous a sourit, mais j'ai remarqué une lueur de désillusion dans ses yeux. C'était la dure réalité du mannequinat. Seuls les modèles les plus connus parvenaient à bien gagner leur vie. Pour les autres, il fallait souvent faire preuve de débrouille et souvent faire une activité complémentaire pour arrondir les fins de mois. Si moi, j'arrivais à peu près à m'en sortir, Savana faisait parti de ceux-là.
Après le départ de la jeune femme, nous avons continué à discuter de tout et de rien, jusqu'à ce que mon meilleur ami s'étire.
— On va rentrer aussi, non ? s'est enquis Dan.
J'ai acquiescé, puis nous nous sommes levés à notre tour. Nous sommes sortis du Starbucks Coffee pour nous diriger vers la station de métro la plus proche. Nous n'habitions pas dans l'hyper-centre de New York, mais un peu plus à l'est, à Long Island City, un quartier du Queens. Enfin, tout était relatif, puisque même si ce n'était plus Manhattan, on était encore entouré de gratte-ciel.
Une fois dans les souterrains de la ville, nous avons attendu que le train bondé de passagers arrive. J'ai engagé la conversation.
— On parle beaucoup de moi mais toi, alors ? Comment ça se passe chez Conti ? Et quand est-ce que tu deviens le nouveau Ricardo ?
Dan a souri. Je savais que rien ne lui faisait plus plaisir que de parler de sa passion, la photographie. Ricardo commençait à se faire vieux, et mon ami était en première ligne, parmi d'autres, pour lui succéder.
— On ne m'a pas encore confié de shooting en entier, mais tout à l'heure, j'ai pu aller à celui de la collection pour femme et j'ai secondé la photographe. C'était cool !
— Tu parles ! J'imagine que tu en as bien profité pour te rincer l'œil, l'ai-je taquiné en lui tapant gentiment l'épaule.
Le jeune homme a levé les yeux au ciel d'un air innocent.
— Que veux-tu, ça a ses avantages d'être photographe de mode.
Nous avons éclaté de rire. Puis Dan a pris un air songeur.
— Ricardo n'est pas prêt de laisser sa place à qui que ce soit, je te le dis, et son successeur, qu'il a prévu de former lui-même, aura intérêt à avoir le cœur bien accroché. Il ne sera pas tendre avec lui.
— Tu as toutes les chances d'y arriver Dan, tu as beaucoup de talent. Je crois en toi, en tout cas.
Mon meilleur ami m'a adressé un sourire en guise de remerciement. J'étais sincère. Dan avait longtemps galéré avant de trouver une place chez Conti et il le méritait vraiment. J'avais eu l'occasion de voir son travail, et le moins qu'on pouvait en dire, c'était qu'il était réellement doué.
Je lui ai souri en retour alors que les phares du métro pointaient le bout de leur nez au fond du tunnel. Le véhicule s'est arrêté devant nous et nous nous sommes engouffrés dans un wagon qui n'était pas encore trop plein. Par bonheur, nous avons trouvé deux places assises, ce qui n'était pas du luxe pour passer les 25 minutes de trajet qui nous séparaient de Long Island City. Pendant un moment, nous n'avons pas parlé, l'un comme l'autre ayant les yeux rivés sur nos téléphones. C'était une mauvaise habitude que j'avais prise dès que j'avais quitté mon village natal en Italie pour Rome : être dépendant de mon téléphone. Si les réseaux sociaux avaient pas mal de points positifs, il était aussi vrai qu'ils empoisonnaient les relations, qui elles, étaient bien réelles.
Enfin, le métro est arrivé à son terminus. Nous sommes remontés à l'air libre. Après avoir traversé plusieurs rues, notre immeuble était en vue. Il devait bien compter une trentaine d'étages. Comme tous les autres, la façade était faite de verre et scintillait sous le soleil qui commençait doucement à décliner. Il n'était pas encore très tard mais novembre arrivant, les jours se raccourcissaient peu à peu. Les premiers flocons de neiges ne tarderaient pas à tomber sur New York City.
La clé a cliqueté dans la serrure et la seconde d'après, nous pénétrions dans notre loft. C'était un trois pièces design qui appartenait à la maison Conti et qui nous avait été loué entièrement meublé. Il était lumineux et les couleurs neutres dominaient, sur les murs et les meubles. La décoration n'était pas surchargée, mais elle était assez personnalisée pour que nous puissions nous y sentir bien. Par la grande baie vitrée du salon / salle à manger, face à nous, on pouvait apercevoir les hauts gratte-ciel de Manhattan.
Dan a retiré son chapeau, découvrant ses cheveux aux reflets roux – ou plutôt blonds vénitiens comme il aimait à le dire. Il a abandonné son couvre chef sur le comptoir de la cuisine avant d'allumer la télévision et de s'affaler sur le canapé.
— Je vais prendre une douche, moi, je l'ai informé.
Dan a hoché la tête alors que je me dirigeais vers ma chambre. Celle-ci était aussi design que le reste du loft. Le lit « king size » avait un revêtement en bois clair et des stores de bois accrochés aux fenêtres conféraient une atmosphère exotique à la pièce. Elle m'avait plût dès la première fois que je l'avais vue. J'ai déposé mes affaires dans un coin de la chambre avant d'aller me chercher des habits un peu plus confortables dans mon armoire qui débordait. Je n'étais pas un mannequin pour rien, j'adorais les vêtements. Une fois que j'ai eu trouvé mon bonheur, je me suis rendu à la salle d'eau. Moins de deux minutes plus tard, l'eau de la douche ruisselait sur mon corps et mes cheveux. Mes muscles se sont détendus. Je me suis délassé, évacuant toute la tension accumulée durant la journée. Parce que même si les shooting photos étaient devenus pour moi une habitude, presque la routine, même si c'était mon métier, ils étaient toujours une source de stress pour moi. J'avais toujours le souci de bien faire.
Je suis sorti de la douche, me suis séché et ai entrepris de démêler mes cheveux. J'allais les laisser sécher naturellement. Après tout, je ne sortirais plus de la soirée alors je n'avais plus besoin d'être impeccablement coiffé. Une fois habillé, je suis retourné dans ma chambre. J'ai sorti une cigarette du paquet posé sur ma table de nuit. Je ne fumais pas énormément, mais c'était encore une mauvaise habitude que j'avais prise. Ça détendait. Et croyez- moi, la mode est un milieu tellement stressant qu'on en a grandement besoin. Assis en tailleur sur mon lit, je l'ai allumée.
Alors que j'inspirais une bouffée de fumée, j'ai repensé à tout le chemin que j'avais dû parcourir pour me retrouver ici, à New York. A mon petit village des Pouilles, où l'on avait difficilement accès à Internet, où je rêvais déjà de mannequinat en regardant les magazines de ma mère. A mon départ tant attendu pour la capitale de l'Italie. A ma consécration à Alta Roma, après des mois de doutes et de galères. Et finalement, à cet appel d'une des assistantes de Laurent Conti, me proposant une nouvelle vie à New York. Tant de choses avaient changé dans ma vie en à peine un mois, et j'avais encore du mal à m'y faire. J'avais l'impression de vivre un rêve éveillé. Et j'espérais de tout cœur que ce rêve était loin d'être terminé.
J'ai soudain entendu Dan m'appeler, me tirant de mes pensées par la même occasion.
— Andy ! On a du courrier !
Quel est le contenu de ce courrier ? Réponse au prochain chapitre !
J'espère que ce chapitre vous a plu, car il est le premier d'une longue série ! A bientôt ! :)