FICTION CLASSÉE M
BONJOUR! Je suis de retour, avec une nouvelle histoire. Oui, je sais ce que vous pensez! ''Il ne termine donc jamais ses histoires avant d'en publier des nouvelles?'' Non... J'ai la tête trop pleine d'idées et j'ai le besoin viscéral de coucher sur papier... Ok de taper à l'ordinateur, ce qui me trotte dans la tête. Néanmoins, mes autres histoires ne sont pas abandonnées. Je souhaite simplement prendre plaisir à écrire et cela implique de me pencher sur les fictions qui retiennent mon attention et donc... je suis inconstant dans mon écriture. Mais vous le saviez déjà, non? XD
Bref, cette histoire-ci est un beau mélange de fantastique, de romance et de sexe... Du sexe chaud, choquant et de cuir tout plein! J'y aborde entre autre quelques pratiques du BDSM. Il s'agit une nouvelle fois d'une histoire homo-érotique avec trois personnages principaux. Oui, un ménage à trois! La lecture est plus fluide, moins complexe également, que Space Artemis. Écrire Un Soupir d'Éternité me demande moins de concentration que Space Artemis. C'est une pause cérébrale que je fais avec cette fiction-ci.
Sur ce, je me tais! Bonne lecture! -xxx-
1. Ce dont il a besoin
Assis sur la chaise inconfortable du petit café JavaLife, Alexander décroisa ses longues jambes et poussa un profond soupir d'ennui, les yeux rivés aux petites aiguilles de sa montre en or Citizen. Elles tournaient avec une lenteur exaspérante et cela lui arracha un nouveau soupir, cette fois d'agacement. On aurait pu croire qu'après sept-cent-trente-cinq ans d'existence, il avait appris la patience, mais non. Alexander Howard était un homme au caractère vif, d'une nature ombrageuse et emportée. Il ne supportait pas les retards, voyant cela comme un signe de négligence volontaire.
- Désolée! S'exclama une voix féminine. J'ai manqué mon bus.
La jeune femme arriva à sa hauteur, le souffle court, et lui offrit un sourire d'excuse, mais Alexander ne détecta aucun malaise dans sa posture. Elle se fichait royalement de l'avoir fait attendre plus de vingt minutes. Blonde, le teint frais et pâle et les yeux sombres, elle avait un corps mince et ferme, démontrant son assiduité à fréquenter les salles de sport. Sa poitrine était ronde, presque trop volumineuse pour son soutien-gorge qu'il devinait en dentelle sous sa camisole blanche. Il ne lui sourit pas en retour, croisant plutôt les mains sur la petite table ronde du café-bistro.
- Vous avez vingt minutes de retard, mademoiselle Stephenson.
- Oui, j'ai manqué mon bus, répéta-t-elle en s'asseyant.
- La ponctualité est un trait de caractère que je recherche chez tous mes candidats. Vous m'aviez affirmé l'être lors de votre entrevue téléphonique.
- Et je le suis, mais j'avais oublié d'éteindre le four et j'ai dû retourner chez moi, se justifia-t-elle, ses épaules se crispant de tension.
Elle avait perdu son sourire, nota Alexander avec satisfaction.
- Étiez-vous nerveuse de passer cette entrevue?
Allison Stephenson se détendit instantanément et ses lèvres pleines s'incurvèrent vers le haut une nouvelle fois, croyant percevoir de la compréhension dans cette question.
- Un peu, avoua-t-elle. J'ai toujours été très curieuse à ce sujet et comme je l'ai mentionné dans ma lettre d'introduction, j'ai eu quelques relations D/s à court terme, mais jamais avec un véritable Maître. Et votre nom de scène est connu, rit-elle en replaçant une mèche blonde derrière son oreille en un geste qui se voulait sans doute sensuel, mais qui trahissait plutôt sa nervosité.
Bien, se dit Alexander. Elle commençait à comprendre qu'il n'était pas le genre d'homme à se laisser impressionné par un joli sourire et une paire de nichons, aussi ronds soient-ils. Il décroisa les mains et fit signe à la serveuse qui vint aussitôt le voir, avenante, le sourire aux lèvres. Elle avait le regard doux et il pouvait percevoir en elle un parfum frais et discret de lilas. Cette femme aurait été une bonne candidate, quoiqu'un peu trop passive. Il percevait l'innocence en elle, le besoin de faire plaisir, celui de se sentir protégée, possédée, désirée. Allison sentait plutôt la cannelle et la vanille; sucrée, épicée, étouffante. Elle se savait belle et elle usait de ses charmes avec autant de facilité qu'un banquier comptait son argent. Allison n'était pas une bonne candidate et ne le serait jamais. Sa soumission ne serait jamais totale et entière. Elle était plutôt le genre de femme qui aimait jouer; faire du top from the bottom. Et il n'éprouvait que du mépris pour les soumis qui s'amusaient à tirer les ficelles du jeu. Il en éprouvait plus encore pour les maîtres qui acceptaient ce genre de comportement. Mais peut-être que les humains ne voyaient pas les choses comme lui. Alexander avait un besoin viscéral de tout contrôler. C'était dans sa nature. Possessif, contrôlant, brutal, cruel, et raffiné, il n'aimait pas l'obéissance aveugle et il n'avait jamais été contre l'idée de mâter un soumis qui avait une bonne répartie et un caractère enflammé, Il soupira. De lassitude.
- L'addition, Valérie, merci.
La serveuse hocha la tête et lança un coup d'œil discret en direction d'Allison qui affichait à présent une expression stupéfaite.
- Bien sûr, répondit la jeune femme en s'éloignant de la petite table en direction de sa caisse.
- Vous l'avez sans doute compris, mademoiselle Stephenson, mais votre candidature n'est pas retenue. Je vous souhaite une agréable journée, dit-il en se levant lentement, tout en sortant de ses poches la monnaie destinée à payer son café. Valérie revint avec la facture et il la paya, non sans lui accorder un généreux pourboire. La jeune femme travaillait au JavaLife depuis des années et elle avait toujours fait preuve de discrétion et de professionnalisme. Elle avait sans doute deviné depuis longtemps le but de toutes ces rencontres, mais n'avait jamais affiché d'expression choquée.
- Mais, nous n'avons même pas commencé l'entrevue, répondit Allison en suivant son mouvement, se levant à son tour.
- Ces quelques minutes m'ont amplement suffises pour déterminer que vous ne serez jamais une bonne candidate.
- Je ne vous plais pas?
Il prit un instant pour la dévisager. Elle avait l'air réellement surprise. La situation échappait totalement à son contrôle et elle n'en avait sans doute pas l'habitude.
- Vous êtes une femme magnifique…
- Alors pourquoi…
- …mais je recherche plus qu'une belle poitrine pour me satisfaire, poursuivit-il en ignorant son intervention. Vous avez conscience de vos charmes et vous aimez le jeu. Moi, je ne joue jamais.
- Mais c'est ce que c'est! Protesta la blonde en s'emportant. Du jeu!
- Pour vous, mademoiselle Stephenson. Mais pour ma part, je ne peux me permettre de me montrer frivole avec un partenaire. Bonne journée, mademoiselle.
Il quitta le café après avoir salué poliment Valérie, plantant-là la jeune femme qui était restée immobile, partagée en la fureur de s'être fait rejetée et l'incompréhension.
Kasey était affalé dans le fauteuil de cuir qui faisait face au bureau de chêne massif du patron, s'amusant à lancer puis rattraper une petite balle multicolore au-dessus de sa tête. Il jeta un bref coup d'œil en direction de son Alpha qui fixait le même document depuis maintenant dix bonnes minutes.
- Alors? Demanda Kasey.
Alexander releva les yeux, s'arrachant à la contemplation de sa liste de critères, et poussa un soupira en la reposant
- Alors rien.
- À voir le sourire qui te fend le visage, je vois que l'entrevue s'est bien passée, insista l'homme.
- Ton sarcasme, Kasey, tu peux le garder.
- Donc ça ne s'est pas bien passé.
- Cette femme était aussi authentique dans son désir de soumission que si ta sœur s'était dite vierge soupira l'homme.
Kasey grimaça en entendant cette comparaison.
- Évite de mentionner ma sœur, je te prie, fit-il. J'en conclue qu'elle ne faisait pas l'affaire?
- Absolument pas.
- Et ce mec que tu as vu il y a une semaine?
- Juste un curieux.
- Et la petite rouquine?
- Aussi passive qu'une étoile de mer. Je veux une personne soumise, pas une carpette, Kasey.
- Tes critères me semblent vachement précis, grommela son bêta en s'emparant de la feuille sur le bureau de son Alpah. (Il se mit à lire à voix haute.) Une personne soumise, mais pas passive. Authentique et docile, mais avec beaucoup de caractère et de mordant. Quelqu'un de cultivé, mais qui aime aussi l'action. Masochiste, mais qui ne provoque pas la douleur. De belle apparence, mais qui n'en a pas conscience. Wouah! En sommes, tu veux un nœud de contradictions! S'esclaffa Kasey.
Alexander jeta un coup d'œil agacé à son bêta. Ils se connaissaient depuis maintenant trois siècles et si Kasey avait d'abord été surpris de retrouver la dominance d'un Alpha en la personne métissée d'Alexander, il l'avait rapidement acceptée. Ensemble, ils avaient rassemblé une meute composée d'hommes et de femmes qui avaient tous été rejetés par leur groupe et qui vivaient en parias avant de les rencontrer. Ils avaient bâti un petit commerce qui avait rapidement pris de l'ampleur jusqu'à devenir une entreprise fleurissante. Aujourd'hui, Howard&York valait des milliards de dollars et possédait des bureaux un peu partout dans le monde. Tous les membres de la meute y travaillaient, occupant les postes administratifs les plus importants, dirigeant leurs propres équipes et satisfaisant ainsi le besoin de contrôle de leurs loups intérieurs.
- Tu sais très bien pourquoi j'ai besoin de cela, Kasey, soupira Alexander.
Kasey l'observa, nota son visage las, ses traits fatigués. Son Alpha était puissant, mais son métissage avait fait de lui une personne rejetée et crainte. Sa part lupine lui donnait un tempérament impulsif, mais l'autre partie, celle qui lui venait de sa mère vampire, avait tendance à le rendre distant et froid. Ainsi, la nécessité d'être en contact constant avec la meute était présente, mais celle de se retrouver isolé l'était également. Ses besoins contradictoires avaient mené son Alpha à se refermer sur lui-même et à afficher une attitude détachée qui laissait croire à un caractère posé alors qu'il pouvait, en l'espace de quelques secondes, manifester une rage aussi soudaine que passagère. Ses colères étaient légendaires, autant au sein de la meute que parmi ses employés humains ou surnaturels. De plus, son ascendance particulière avait exacerbée sa dominance au point où le besoin de protéger, qui lui venait de son père lycan, s'était étroitement mêlé au besoin de posséder, propre aux vampires. Les lycans étaient réputés pour être de chauds lapins tandis que les suceurs de sang l'étaient pour leur sadisme. Alexander Howard était un concentré d'explosif. Et la seule façon qu'il avait trouvée pour satisfaire ses natures opposées était dans les jeux BDSM. Ça avait fonctionné un bon moment avec des partenaires rencontrés au hasard, puis avec la scène où il se produisait sous le patronyme de Maître Raven. Mais Alexander était ancien, plus que n'importe quel lycan de sa connaissance, et même si la meute bénéficiait de son immortalité par le biais du lien de meute, cela ne suffisait plus à combler le manque de sa deuxième moitié. Un lycan normal, qui n'était pas relié à un Alpha à demi-vampire, pouvait vivre deux-cent, voire trois-cent ans, et rencontrait son partenaire de vie assez tôt dans leur existence. Leur part lupine détectait rapidement une personne réceptive à leur biochimie. Alexander avait du sang vampire dans les veines, ce qui compliquait grandement les choses. Sa nature d'immortelle entrait en conflit avec l'instinct du loup en lui, et faussait ses sens, lui faisant souvent croire qu'une personne pouvait lui convenir alors que ce n'était que son appétit de vampire qui le guidait.
- Tu trouveras, lui assura Kasey.
Alexander fronça les sourcils.
- Tu es bien optimiste, mon ami.
- Plus rien ne me surprend de ta part, Alex.
- Peut-être qu'il m'est impossible d'avoir un partenaire, médita l'homme.
- Crois-moi, tu ne serais pas si déprimé si tu ne ressentais pas le besoin d'avoir un partenaire. C'est primitif.
- Je ne ressens d'attirance que pour les humains. Hors, un lycan ne s'accouple pas à vie avec une autre race que la sienne.
Kasey haussa les épaules, comme s'il s'agissait d'un détail insignifiant.
- Tu es le premier hybride né d'un parent lycan et d'un parent vampire que je connaisse qui ait survécu à sa petite enfance ou qui n'ait pas été massacré. Qui sait réellement ce qu'il te faut?
L'homme se massa les tempes, sentant poindre un mal de crâne. Toutes ces recherches, ces entrevues, pour rien! Personne ne lui convenait! Sa part vampire savait ce qu'elle désirait; un jouet à faire plier, à faire saigner, gémir et soumettre. Mais à chaque nouvelle rencontre, à chaque fois qu'il pensait avoir trouvé la bonne personne, son loup montrait les crocs et se hérissait. Sa vie n'était qu'un amalgame de frustrations sexuelles et d'échecs amoureux. Il avait tout tenté, réellement tout. Jeune, il avait vécu un long moment comme un vampire pur; se gavant de sang humain, vivant dans la plus parfaite des solitudes, dédaignant le moindre contact, la moindre chaleur, ignorant les hurlements de détresse de son loup intérieur au point où cela l'avait rendu presque fou. À plusieurs reprises il s'était rapproché de meutes de loups de façon inconsciente. Chaque fois il avait été chassé de leur territoire à coups de crocs et de griffes, échappant de peu à la mort. En rencontrant Kasey, il avait crû avoir trouvé les réponses qui lui manquaient; il avait besoin d'une meute pour se sentir entier et comblé. Il avait travaillé à rassembler autour de lui des parias, des renégats, des loups rejetés ou malaimés. Il avait alors cherché à supprimer son instinct de vampire, et cela avait fonctionné plus longtemps qu'il ne l'avait espéré. Jusqu'à tout récemment, où il avait complètement perdu le contrôle et avait manqué égorger la petite brunette qui partageait sa couche à cet instant. Elle aimait les baises hard et il s'était tout simplement laissé aller. Si Kasey n'avait pas entendu ses hurlements de terreur, elle serait morte à n'en pas douter. Il s'était alors résigné. S'il souhaitait vivre et garder toute sa tête, il devait satisfaire ses deux instincts, aussi opposés et différents soient-ils l'un de l'autre.
- Tu comptes poursuivre tes recherches? Lui demanda son bêta, l'arrachant à ses sombres pensées.
- Je l'ignore. Ce ne sont pas les demandes qui manquent, mais je ne suis pas certain de trouver la personne dont j'ai réellement besoin, en admettant qu'elle existe.
- Et dans tous ces clubs que tu fréquentes, personne n'a attiré ton regard?
- Personne.
- Et dans l'entreprise?
- Non plus.
- Et si tu partais quelques temps? Pour voyager?
Alexander haussa un sourcil surpris. Kasey était le premier à grommeler que ce n'était pas bon pour la meute que leur Alpha s'en éloigne, car cela amincissait le lien et affaiblissait les loups qui la composaient.
- Et la meute?
L'homme renifla, agacé.
- On te voit tourner comme un lion en cage depuis des mois. Tu es tantôt si déprimé que la moitié d'entre nous doit se retenir d'aller hurler à la lune et tantôt si colérique qu'on doit endurer des maux de têtes constants. Tu fais peur à nos plus jeunes et les plus anciens se font un sang d'encre pour toi. Honnêtement, Alex, ton état rend la meute instable. T'éloigner nous permettra de souffler un peu et de se détendre. On est tous à cran à cause de tes changements d'humeur.
- Je n'en avais pas conscience, répondit l'homme, penaud.
- Hé bien, je te le dis maintenant!
Alexander esquissa un léger sourire, amusé par son bêta. Kasey avait toujours eu cette attitude décontractée, comme si rien ne l'affectait. Il prenait les insultes avec le sourire et ignorait les ordres avec une décontraction presque enjouée. Son Alpha de l'époque s'était senti menacé par son caractère frivole et l'avait banni, non sans lui avoir fait connaître l'enfer avant de le couper des liens de meute. C'était un loup brisé, méfiant et nerveux qu'Alexander avait trouvé. Il lui avait fallut de longues années pour retrouver sa personnalité volage. Aujourd'hui encore, Kasey refusait de parler des mauvais traitements qu'il avait subis et il savait qu'une part de noirceur teintait encore l'âme de son bêta.
- J'ai demandé à ce que le jet soit prêt à décoller pour vingt heures. Tes valises sont prêtes, les papiers sont en ordre et tous tes rendez-vous sont annulés. J'ai annoncé que j'allais te remplacer pour une durée indéterminée. La meute te souhaite bonne chance. Et tous tes petits jouets sont aussi prêts à partir! Rit le lycan.
Alexander fronça les sourcils puis se concentra sur le lien de meute et tira légèrement sur les petits fils dorées qui le connectaient à ses loups. Il reçu des réponses enjouées, légèrement inquiètes, et bienveillantes. Il sourit, et leur envoya une onde de reconnaissance. Près de lui, il entendit Kasey soupirer de bienêtre lorsqu'il reçut aussi l'onde mentale de son Alpha.
- Tu as tout préparé à ce que je vois, lui dit l'hybride.
- Tu as besoin de t'éloigner, mon ami, lui répondit le lycan avec sérieux, cette fois. De te recentrer et d'apprendre à t'écouter.
- Je le fais! Protesta Alex.
- Tu écoutes ton loup ou ton instinct de vampire. Mais tu es un tout, une seule entité, pas deux forcées de vivre dans le même corps. Il n'y a pas Alex le vampire et Alex le lycan en toi; il y a seulement Alex.
Alexander pinça les lèvres. Il en avait parfaitement conscience. Il savait aussi que personne n'était mieux placé que sa meute pour le comprendre. Les lycans devaient apprendre à composer avec leur nature lupine et humaine. Beaucoup dissociait le loup de l'homme dans leur jeunesse, alors qu'en réalité, ils n'étaient qu'un. Alex devait simplement composer avec son sang vampire en plus de son sang lycan.
- Très bien, capitula-t-il.
- Super! Il te reste… trois minutes pour te rendre au jet.
Alex le fusilla du regard, mais s'empressa de sortir du bureau après avoir lancé un court : « Appelle-moi en cas d'urgence! » et courut jusqu'au toit où l'attendait le petit avion privé. Il grimpa, salua Samantha, l'agente de bord, puis le pilote et le copilote et s'installa confortablement. Il boucla sa ceinture et Samantha lui apporta des écouteurs et une bière fraiche.
- Où allons-nous? Demanda-t-elle.
- Commençons par Paris.
Elle lui sourit puis alla transmettre l'information aux deux humains dans la cabine de pilotage. Alexander brancha les écouteurs à son Ipod, ferma les yeux, et se laissa porter par la musique.
Sidney sourit en déposant son plateau sur la table voisine encore vacante, puis servit les trois pintes de bières blanches et le plat de pains à l'ail gratinés. Les clients l'ignorèrent royalement jusqu'à ce qu'il se retourne et que l'un d'entre eux frôle subtilement son postérieur tandis qu'il dépassait sa banquette. Il l'ignora et s'empressa de s'en éloigner. Il entendit vaguement l'homme rire et serra les poings sur son plateau qu'il avait repris.
« Connard! », pensa-t-il.
Une autre table lui fit signe et il étira les lèvres en un simulacre de sourire tout en se dirigeant vers eux puis écouta l'homme se plaindre de la qualité de la nourriture.
- C'est un bar, monsieur, répondit finalement Sidney. Nous ne sommes pas un restaurant.
- Et je suis supposé bouffer cette merde? S'indigna le client.
- Je peux ramener votre assiette en cuisine et demander à ce que l'on vous prépare autre chose.
- Comme quoi? Votre « plat de bouchées »? Dit-il en lisant le menu. C'est mangeable ou je vais encore me foutre de la merde dans la gueule?
Sidney retint de justesse un soupir et ravala la réplique cinglante qu'il avait été sur le point de cracher. C'était son troisième job ce mois-ci; il tenait à le conserver. L'appartement ne se paierait pas seul et il devait encore un sacré montant à son propriétaire. Sans parler d'Antony qui devait se présenter ce soir pour réclamer son dû. À cette pensée, Sidney se sentit blêmir. Il n'aurait pas droit à une seconde chance, il le savait. Antony lui avait accordé deux mois supplémentaires pour le rembourser et seulement parce qu'ils avaient été voisins de palier dans leur enfance.
- Je vous suggère plutôt les nachos ou le pain à l'ail gratiné. Ils sont très bons et la maison vous offre votre prochaine bière.
- Ok, va pour le pain.
Son client sembla déstabilisé par le retour de son sourire puis hocha tranquillement la tête. Sidney prit son assiette, entamé au trois-quarts, et la rapporta aux cuisines.
- Une assiette de pains à l'ail gratinés, Marco, demanda-t-il au cuistot. Et une autre pinte rousse, Silvio.
- Sidney!
Il se tourna, vit son patron approcher, et se demanda ce qu'il avait fait comme connerie. Il ne se souvenait pas avoir insulté un client, et ne s'était battu avec aucun employé. Il n'avait cassé qu'un verre en début de soirée et il souriait.
- Nick? Fit-il, inquiet.
Nick le rejoignit au bar et lui donna une petite tape sur le bras, presque paternelle.
- Quand un client te met la main aux fesses, tu le remets à sa place. Inutile de l'envoyer chier ou de le frapper, mais un simple « non » suffit. On est dans un quartier gay, mon gars, et des pervers, tu vas en croiser dans ce bar. Mais mon établissement est un endroit respectable et je refuse que mes serveurs se laissent tripoter, compris? Même pour augmenter leurs pourboires.
- Je ne cherche pas à augmenter mes pourboires! S'offensa Sidney.
- Mais tu l'as pas remis à sa place, insista son patron.
- Je ne veux pas de problèmes, Nick. Et je t'assure que je fais un maximum d'efforts pour faire du bon boulot. Je ne veux pas me faire renvoyer.
- Dis « non » la prochaine fois ou viens me chercher, compris? Je ne suis pas tes anciens patrons, mon gars. Insista l'homme en comprenant la situation de son serveur.
- Compris.
- Sidney, table huit!
Il s'empara de l'assiette de pains à l'ail gratinés, pris la pinte de bière rousse et l'apporta à son client. Il s'assura que tout était à son goût cette fois, puis repris son service aux autres tables.
Cinquante dollars de pourboire, plus ceux de cette semaine.
Pas suffisant pour compléter la somme qu'il devait à Antony. Il se rendit à un guichet automatique et retira la totalité de son compte bancaire qu'il mit dans une enveloppe cachetée. Il espérait qu'Antony se montre magnanime et lui laisse le reste de la semaine pour rassembler les trois cents dollars manquants. Trois cents dollars, ce n'était rien pour Antony; à peine de la petite monnaie.
Nerveusement, il retourna à son appartement. Antony était là, à fumer une cigarette, entouré de quatre de ses hommes.
- Sid! S'exclama l'homme en le voyant arriver.
Tony était plus petit que lui d'une demi-tête, mais ses épaules étaient beaucoup plus larges et ses biceps faisaient la circonférence de ses cuisses. Châtain, il avait un visage agréable à regarder, des yeux pâles et une petite cicatrice au-dessus de l'œil. Sa peau était hâlée par les cabines de bronzage et il avait un épais tatouage au poignet. Antony avait un visage charismatique, qui incitait à la confiance. Son charme était aussi trompeur que l'était un lion endormi.
- Alors? Tu as tout?
- On peut entrer? Je préfèrerais qu'on se parle à l'intérieur. Mon propriétaire…
- Tu me donnes simplement le fric et je me tire, promis, l'interrompit Tony.
Sidney eut le réflexe de se passer la langue sur les lèvres, geste que ne manqua pas de remarquer l'homme.
- Tu as l'argent?
- Il manque trois cents dollars, se résolut Sidney en lui donnant l'enveloppe.
Tony la prit lentement, sans le quitter des yeux.
- Trois cents… Répéta-t-il lentement.
- Tony, je jure que je peux les avoir cette semaine. Ce ne sont que trois cents dollars, rien je ne puisse pas avoir rapidement.
- Putain, Sid! Je t'ai laissé deux mois supplémentaires! S'emporta Antony. Deux mois!
- Je te jure que…
- Je ne peux pas te laisser plus de temps, Sidney. J'ai des patrons aussi et ils attendent leur fric.
- Mais ce ne sont que trois cents dollars! Protesta le jeune homme en sentant la panique l'envahir.
- Désolé, mec, mais je tiens à ma tête.
Sidney n'attendit pas l'ordre qui allait lui coûter la vie. Il détala.
Il entendit Antony jurer juste avant de tourner à l'angle d'une rue piétonne puis déboucha sur un boulevard. Il le traversa, ignorant les voitures qui freinaient brusquement pour ne pas le percuter. Il entendit crier derrière lui, puis la voix de Tony s'éleva, prononçant son nom. Sidney redoubla de vigueur, prit une ruelle et déboucha sur les docks dans le quartier industriel. Il poursuivit sa course jusqu'à un entrepôt vide et s'y engouffra souplement, passant sous la porte de livraison coincée à trois pieds du sol. Il s'érafla le côté du bras sur le béton en se redressant, mais il n'y porta pas attention. Ce n'était pas le moment de s'arrêter. Il chercha rapidement une porte de sortie, une ouverture qui lui permettrait de sortir par derrière et de rejoindre la ville où il lui serait plus facile de se cacher le temps de trouver une échappatoire, mais il ne trouva rien. Pestant contre le mauvais sort qui semblait s'acharner sur lui, il se dirigea rapidement vers une poutre de métal dans l'intention de se cacher derrière, mais un coup de feu retentit dans l'entrepôt vide. Le son raisonna douloureusement dans ses oreilles puis il la perçut, la douleur sourde sur le côté de sa cuisse. Il s'écroula avec un cri de douleur et voulut ramper, loin des hommes qui le pourchassaient, mais des pas se rapprochèrent de lui et une main le saisit par les cheveux, lui redressant la tête.
- Crois-moi, Sid, j'aurais voulu que ça se passe autrement.
- Laisse-moi m'en aller! S'il te plaît, Tony! S'il te plaît! Supplia-t-il en sentant les sanglots monter et secouer sa voix rauque de douleur.
Tony soupira puis lui rejeta violemment la tête vers l'arrière et il se cogna le front contre le béton du sol. Un coup de pied dans les côtes le retourna sur le dos et il hoqueta, le souffle coupé. Un second coup dans le ventre lui arracha un cri inarticulé. Il tenta de ramper loin de ses agresseurs, mais l'homme qui le maintenait toujours lui balança un troisième coup de pied, cette fois directement dans sa blessure à la cuisse, ce qui le tétanisa de douleur. Cette fois on le lâcha et il se recroquevilla, les doigts crispés sur sa cuisse ensanglantée.
- Sid, Sid! Tu comprends que je n'ai pas le choix, n'est-ce pas? C'est ma tête qui risque de tomber si je ne fais pas mon boulot correctement, dit Antony en s'accroupissant pour se mettre à la hauteur du jeune homme. Ce dernier geint et frémit de terreur, son corps se crispant un peu plus.
- Allez-y, ordonna Tony.
Les coups se remirent à pleuvoir, violents, puissants, et Sidney tenta de se protéger comme il le pouvait, offrant les parties les moins vulnérables aux bottes des quatre hommes.
- Bien! Je crois qu'il commence à comprendre. Tu commences à comprendre ta situation, Sid?
- Je com... Je comprends... Arrête. Arrête, Tony! Pitié...
- Non... Non, tu ne comprends pas, Sidney! S'exclama Antony dans un brusque élan de colère. Si tu comprenais vraiment ta situation, tu ne me demanderais pas d'arrêter. Tu me demanderais de t'achever!
Il lui balança son soulier dans les reins puis d'un mouvement rageur, prit l'arme de la ceinture de l'un de ses hommes et posa le canon contre le front du jeune homme. Ce dernier ouvrit péniblement les yeux et le fixa, terrifié. Tony secoua la tête et rangea l'arme dans sa propre ceinture.
- On m'a dit de ne pas te tuer, lui dit-il enfin. Puis, à ses homme: Allez chercher la voiture, on l'embarque.
Tony fit signe à ses hommes qui sortirent de l'entrepôt et prit son téléphone. Il composa rapidement et le posa contre son oreille.
- C'est moi. On l'a... Il a tenté de s'enfuir... Ouais...
Pris dans sa conversation, il s'éloigna de quelques pas. Sidney se redressa lentement en grimaçant. Son corps n'était qu'un amas de douleur et de chair meurtrie. Retenant de justesse un gémissement de souffrance, il se remit sur ses pieds et s'élança. Le bruit alerta Antony qui se retourna puis jura en se lançant à sa poursuite. Sidney roula sous la porte de livraison puis courut en serrant les dents, sa main fermement plaquée contre la blessure à sa cuisse. Il eut tout juste le temps de réaliser qu'il courait en direction de l'eau avant qu'un coup de feu retentisse et qu'une masse compacte le percute. Il se sentit partir vers l'avant puis plongea dans l'eau glaciale des docks.
Alexander redressa la tête, tous ses sens en alerte. Il renifla l'air, profondément, à la recherche de la fragrance qu'il avait perçue. Elle lui parvint, douce et fraîche, comme un parfum de liberté évoquant de grandes plaines vertes sous la lumière matinale d'un soleil d'été. Puis, il entendit un coup de feu qui le fit grimacer, ses sens trop développés percevant ce bruit lointain comme une agression. Presque aussitôt, le parfum devint lourd, capiteux, cuivré et il reconnu l'odeur du sang. Ses sens de vampire prirent le dessus sur ceux du loup et il sentit ses gencives le picoter et sa bouche s'assécher. Cette odeur de sang était forte, puissante! Trop puissante! Alexander ferma les yeux et se concentra sur sa provenance. Quelqu'un était blessé et l'odeur de cette personne, son sang, l'appelait. Il fit volte-face, abandonnant l'idée de réserver une chambre pour la nuit dans l'hôtel de l'autre côté de la rue. Suivre l'odeur n'était pas difficile. Son loup intérieur reniflait l'air, retraçant le parcours qu'avait effectué l'humain, tandis que ses instincts de vampire le dirigeaient vers les docks. Il eut la vision très brève d'un jeune homme sortant d'un entrepôt vide qui courait en clopinant, le visage crispé par la souffrance, une main pressée contre le côté de sa cuisse. Puis, un autre homme sortit et pointa un revolver vers lui. Il ne réfléchit pas. Il s'élança vers le jeune homme et le poussa brutalement, l'éloignant de la trajectoire de la balle, puis bondit vers son attaquant, lui arracha son arme et trop vite pour que l'ennemi comprenne, lui agrippa le crâne et effectua une brusque torsion. Le cou rompu, il s'effondra mollement comme une poupée de chiffon. Des cris à une dizaine de mètres s'élevèrent et Alexander retroussa les lèvres sur ses crocs en une esquisse de sourire bestial. Il bondit, atterrit au centre des quatre hommes armés et d'un coup de griffes, ouvrit la gorge de l'un. Il brisa la nuque d'un second puis d'un coup de paume, enfonça le nez du troisième. Un jet de sang l'éclaboussa, mais il l'ignora, tous ses sens focalisés sur le dernier larbin dont il arracha l'arme et en pointa le canon contre le thorax. Il tira et la balle le transperça. Trois coups de feu allaient sans aucun doute attirer la Police très bientôt. Il devait absolument quitter les docks, mais pas sans le jeune homme. En moins d'une seconde, il était de retour près de l'eau. Il plongea, son corps souple et puissant fendant les flots glacés du fleuve. Sa vision n'était pas aussi bonne sous l'eau, mais il parvenait néanmoins à en percer l'obscurité. Il détecta rapidement l'écarlate du sang tourbillonner paresseusement dans l'eau. Il donna un coup de pied et s'enfonça plus loin. Enfin, il le vit, inconscient, silhouette fantomatique coulant lentement dans les eaux sombres. Il agrippa sa main aux longs doigts minces puis le tira vers lui et remonta à la surface. L'humain ne respirait pas et sa peau était glaciale, mais son cœur battait toujours faiblement. Il fronça les sourcils, inquiet, avant de le tourner sur le côté et de lui administrer une claque magistrale entre les deux omoplates qui allait très certainement lui laisser une ecchymose. Le corps du jeune homme eut un soubresaut et il se mit à tousser et cracher l'eau de ses poumons. Il roula de lui-même sur le ventre et se mit à quatre patte pour s'aider à respirer et lorsqu'il n'eut plus rien à rendre, se laissa retomber au sol en gémissant. Alexander le souleva délicatement et la tête du jeune homme retomba contre son torse. Il dégagea délicatement son front de ses mèches mouillées contempla le visage pâle. De longs cils humides, très sombres et épais, de hauts sourcils busqués qui rehaussaient ses pommettes hautes et rondes et un visage ovale tout-à-fait charmant, presque délicat. Sa bouche, closes, était pleine en forme de cœur, un brin boudeuse, et la combinaison de son menton pointu et de sa mâchoire saillante et volontaire promettait un caractère affirmé et têtu. Sa peau était très pâle, parcourue de frissons dus à son bain forcé, et il eut envie de découvrir sa gorge pour y faire glisser son nez et renifler son odeur. L'humain, malgré la délicatesse de ses traits et de son ossature, était tout de même doté d'une jolie musculature déliée et à vue-de-nez, il devait mesurer un bon mètre soixante-quinze. Très loin du mètre-quatre-vingt-dix d'Alexander, mais juste assez grand pour qu'il se sente en droit légitime de le serrer contre lui. Des sirènes de voiture de Police l'arrachèrent à sa contemplation et il redressa brusquement la tête comme un chien aux abois avant de quitter les docks rapidement. Il aurait été plus rapide sous sa forme de loup, mais il refusait de laisser le jeune homme entre les mains des policiers. La bête en lui grondait et montrait les crocs à cette seule idée et pour la première fois, ses instincts de vampires s'accordèrent à ceux du loup. Tous ses muscles se tendirent et il sentit ses canines s'allonger, prenant la forme meurtrière de son métissage vampire, alors que ses prunelles s'élargissaient pour recouvrir la presque totalité du blanc et que le marron presque noir de ses iris pâlissait pour prendre l'éclat de l'ambre doré, signe incontestable de la présence de l'Alpha sous la peau de l'homme.
À l'arrivée des policiers, il n'y avait plus aucune trace de l'hybride et du blessé. Ils retrouvèrent les cadavres des quatre hommes armés puis celui du cinquième homme près des docks. Des exclamations horrifiées s'élevèrent devant le corps désarticulé dont la tête avait été forcée d'effectuer un demi-tour sur elle-même. Le visage était à présent alignée avec le dos et les os du cou avaient déchirés la peau par endroit. Un policier vomit et d'autres se détournèrent rapidement de la scène macabre. Aucune des victimes ne présentait de traces indiquant qu'elles s'étaient débattues... Personne n'avait eu la chance de se défendre.