Minnesänger est un roman autoédité, parution en septembre 2020.
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Origine
Elle est si belle. Si belle et majestueuse. Elle est le feu et sa présence réchauffe notre monde de grisaille. C'en est presque aveuglant.
Lui, il est si froid. La vie autour de lui perd de sa vigueur et de ses couleurs. Il est la maladie qui corrompt le corps et la mélancolie qui déchire votre âme.
Comment ces deux Enfants de la Terre, ces Findharas, ces deux démons que les siècles ont rendus si forts, en sont-ils arrivés à se rencontrer ? À conclure un pacte aussi cruel ?
Si l'Empereur Findhara n'avait pas laissé sa soif de pouvoir dicter ses actes, la Grande Guerre n'aurait jamais eu lieu. La flamboyante Reine Dragon et le néfaste Nécromancien n'auraient jamais été aussi désespérés. Ils ne se seraient pas tournés l'un vers l'autre, après tous ces siècles de rivalité et de haine.
Les troupes de l'Empereur Findhara sont aux portes du royaume des Dragons. Dans une ultime tentative de préserver ses terres et son trône, la Reine Dragon a demandé au Nécromancien de lui fournir une armée de spectres. Une armée de morts qui se dressera face à l'envahisseur. Cette perspective la répugne. La magie du sang et des ossements est si obscure que la plupart des Findharas, tout démon qu'ils soient, la redoute et la méprise. Pourtant, elle n'a pas le choix. Elle veut vivre et elle veut protéger les siens.
Le Nécromancien, en échange, a demandé une descendance. Un être qui partagerait son sang et sur qui il aurait donc tout pouvoir, puisque c'était la source même de sa magie. La jeune créature n'aurait aucune chance. Il pourrait ainsi accroître son mana et arracher des limbes toujours plus d'âmes en quête de repos.
Si concevoir un démon avait été un acte charnel, la Reine aurait sans doute refusé. Mais le rituel magique, même s'il demandait de l'implication et de sacrifier une part de soi, n'était qu'une formalité. Ce n'est pas leurs corps qui s'unissent, mais la magie qui coule dans leurs veines et vibre dans tout leur être. Elle se niche au creux de Mère la Terre pour former un embryon. Il poussera telles les racines d'une plante, remontera à la surface lorsque le temps sera venu. Et il vivra comme un esclave auprès de celui qui l'a conçu.
La Reine ne s'éternise pas. Elle est en possession de l'artefact qui invoquera son armée d'âmes torturées. Elle peut retourner se battre pour ses terres, pour ses fidèles dragons et pour le bétail humain qui constitue sa principale richesse. Sans eux, ils ne pourraient pas vivre. Leur magie s'éteindrait comme une flamme se meurt sans bois à consumer.
Le Nécromancien ne la retient pas. Il couve des yeux l'endroit où niche l'embryon de Findhara. Bientôt il aurait sous ses ordres les créatures les plus redoutables et même l'Empereur ne pourrait le forcer à capituler.
Prélude
La Grande Guerre déchire les terres émergées.
La Reine Dragon s'est agenouillée devant l'Empereur.
Mais nulle loyauté ne saurait résister
Quand résonne le chant du Minnesänger.
Chapitre 1
Dans un fracas assourdissant qui fit vibrer le sol et emplit l'air de fumée, le dragon atterrit à quelques mètres de l'enfant. Le petit aurait dû être effrayé, lui qui était à peine aussi grand qu'une des griffes de la gigantesque créature. Il avait été témoin de la furie des dragons qui avaient brûlé la ville. D'un geste, la créature aurait pu le balayer comme un fétu de paille. Mais elle ne représentait pas une menace pour lui. Le dragon était la réponse à ses prières. Il était synonyme d'espoir. Peut-être était-ce enfin la fin de la solitude, de la grisaille et de la souffrance.
Le dragon baissa la tête à sa hauteur et ils échangèrent un long regard. Leurs yeux arboraient la même couleur d'ambre. Ceux de l'animal semblaient un peu confus. Il souffla bruyamment avant d'émettre un grognement sourd. Le petit garçon, aux cheveux aussi rouges que les écailles du dragon, les yeux écarquillés par l'admiration, murmura :
« Mère… »
Quelques instants plus tard, accroché à l'une des pointes qui hérissaient le dos du dragon, l'enfant regardait s'éloigner la cité ravagée par les flammes. Les autres dragons ne tardèrent pas à prendre à leur tour leur envol. Ils formèrent une escorte autour de leur Reine et de son précieux fardeau. Ils volaient droit vers l'ouest, tandis que derrière eux se levait le soleil.
Klaus, dont les bras serraient toujours l'aiguillon aussi dur que la pierre, ne tarda pas à somnoler, grisé par l'altitude et le vent frais. Au rythme des claquements d'ailes, il repensa à ce qu'il laissait derrière lui. Les murs de pierre nue de sa chambre, froids et gris. La brûlure de son propre sang sur sa peau glacée pendant les rituels. Là, étendu sur le sol, les yeux rivés sur le plafond de pierre blanche, il entendait la voix du Nécromancien. Lointaine. Indistincte. Et puis, à la fin de chacun de ses rituels, alors qu'il flottait à la lisière de l'inconscience, une présence douce et rassurante. Une étreinte, des lèvres sur son front, une voix cajoleuse. Et à son réveil, un sourire, une caresse sur ses cheveux. Des chansons qui lui réchauffaient le cœur. Fendel. Elle lui manquerait. Elle avait été la seule à lui accorder son attention. Mais même elle, le Nécromancien avait fini par la lui prendre.
Alors cette nuit-là, alors que les plaies infligées par le Nécromancien le brûlaient encore, alors qu'il était seul, il s'était rendu sur la terrasse où Fendel l'emmenait contempler les étoiles et les deux lunes. Dans le ciel, les deux astres s'embrassaient et leur lueur était plus intense. Fendel lui avait dit que ces nuits-là étaient rares et empreintes de magie. Qu'il lui faudrait chanter à ce moment précis s'il voulait que sa prière soit entendue.
Tremblant de fatigue, il s'était laissé tomber à genoux. Il avait repensé à celle qui était sa mère, mais qu'il n'avait pourtant jamais vue. Fendel disait qu'elle était une puissante guerrière que l'on appelait la Reine Dragon. Elle la lui avait décrite avec détail, si bien qu'il pouvait se l'imaginer. Il s'était mis à chanter, avait appelé sa mère pour qu'elle vienne le libérer de cette existence solitaire et douloureuse que la perte de Fendel avait rendue insupportable.
Plusieurs heures plus tard, alors que sa voix se brisait d'avoir trop chanté, le ciel nocturne s'était constellé de créatures ailées à la gueule rougeoyante. Les hommes du Nécromancien s'étaient rués sur les balistes, mais c'était trop tard. Les dragons s'étaient abattus sur la cité en une pluie de flammes et de cris rauques qui roulaient comme le tonnerre.
Et finalement, dans toute sa majesté, Furia s'était posée devant lui pour l'emporter loin du Nécromancien, des rituels de sang, et du souvenir de Fendel.
Minnesänger est un roman autoédité, parution en septembre 2020.
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